@informateur- Au cours des dernières semaines, le Burkina Faso a fait face à des attaques terroristes répétées et souvent meurtrières dénombrant par dizaines les morts parmi les civils. Quelle stratégie militaire le Burkina mène-t-il pour protéger ces populations meurtries depuis 2015 des affres de groupes armés appelés djihadistes.
Depuis la chute du pouvoir de Blaise Compaoré, le pouvoir n’arrive pas à endiguer une violence où se mêlent djihadisme et bavures répétées de l’armée contre des civils de sorte que la sortie de crise s’éloigne chaque jour. L’armée ne parvient pas à rétablir la sécurité dans tout le pays. Et le bilan macabre s’élève, aujourd’hui, à plus de 6000 personnes tuées. Selon Statista Research Department, ‘’La majeure partie des morts dues au terrorisme en 2023 dans le monde, sont survenues au Burkina Faso, avec 23 % de décès liés aux attentats’’. En 2022, la situation n’était pas non plus meilleure puisque le pays occupait la 2ème place au plan mondial des pays les plus frappés par le terrorisme avec 8.564 victimes si l’on en croit le rapport de l’indice 2023 du terrorisme mondial. En ce qui concerne les déplacés internes, ils sont estimés à plus de 2 millions et des régions entières du pays sont inaccessibles en raison de l’insécurité.
Aujourd’hui trois groupes djihadistes puissants opèrent en effet sur le territoire burkinabè : le groupe local Ansarul Islam, et deux groupes apparus au Mali, l’Etat islamique en Afrique de l’Ouest (EIAO) et le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM). Pour ces groupes, il faut sauter le verrou Burkina pour accéder à l’Afrique côtière, estime l’universitaire Bakary Sambé.
Il est évident que l’armée au Burkina Faso est affaiblie. Pourtant, avant la chute du président Blaise Compaoré qui a dirigé le Burkina pendant 27 longues années, le pays a été relativement, épargné par ces groupes armés. Selon Mahamadou Sawadogo, chercheur et spécialiste des questions sécuritaires au Burkina Faso, la chute de Compaoré a été l’un des tournants. «Des unités ont été dissoutes et des cadres de l’armée ont quitté le pays. C’est une armée affaiblie qui a affronté les groupes armés à partir de 2015», ajoute le chercheur.
Au nombre de ces unités, figure le Régiment de Sécurité Présidentielle (RSP). «Avec ses 1300 hommes, cette unité représentait près de 10% des effectifs de l’armée. Elle constituait un corps d’élite et surtout la base d’un service de renseignement extrêmement efficace», analyse l’International Crisis Group, dans un rapport de 2019, sur la question sécuritaire au Burkina Faso.
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L’État burkinabè depuis cette dissolution essaie de reconstituer sa force militaire. «Une loi de programmation militaire a été votée pour essayer de mieux équiper les soldats, de mieux les entrainer, mais cela prend du temps. Il faut également reconstituer les capacités de renseignement», explique le chercheur Mahamadou Sawadogo.
Face à cette mainmise de certains groupes armés sur des communautés et dans l’incapacité de sécuriser l’ensemble de son territoire, le Burkina sous le régime de Roch Kaboré a décidé de constituer des groupes d’autodéfense. Le 7 novembre 2019 le président Kaboré appelait à la mobilisation des « volontaires pour la défense du Faso » pour lutter contre les terroristes.
Armer les civils? Une arme à double tranchant, prévient William Assanvo, auteur d’un rapport sur cette question pour l’ISS Africa. «Des populations se sont senties abandonnées face aux groupes armées et donc elles ont demandé à s’armer elles-mêmes. Mais ces communautés ne sont pas soumises à des règles d’engagement contrairement à une force régulière», tranche William Assanvo.
En dépit des milliards FCFA engloutis ces dernières années dans l’armement et le renseignement, le Burkina Faso peine visiblement à endiguer le terrorisme. Même les militaires au pouvoir semblent avoir montré leurs limites dans cette lutte. Neuf ans que le pays des Hommes intègres est engagé dans cette lutte sans vainqueurs ni vaincus. Puisque les groupes terroristes ne parviennent pas à soumettre le pays et l’armée non plus ne parvient à restaurer l’intégrité territoriale du point de vue sécuritaire.
C’est dans ce conteste que les autorités de la Transition ont décidé de faire un saut dans l’inconnu en s’alliant au Mali et au Niger pour créer une force commune à ces trois pays composant l’Alliance des Etats du Sahel (AES) après leur sortie de la CEDEAO, en vue, disent-ils, de mieux combattre les groupes armés terroristes (GAT). Certes, l’union fait la force mais encore faut-il que les moyens de la lutte commune soit à la hauteur de leur ambition.
Geneviève MADINA