Le 29 décembre 2015 la transition en cours au Burkina Faso depuis novembre 2014, prendra fin avec l’investiture du président élu par les burkinabè électeurs le 29 novembre 2015. Le pouvoir de la transition issu d’un «compromis» imposé par le désormais ex-régiment de sécurité présidentielle (RSP) aura duré treize (13) mois. Que de turpitudes ! Que d’atermoiements ! Tout cependant n’a pas été négatif !
Il y eut des actions positives notamment venant du parlement de la transition. Le Conseil National de la Transition (CNT) a en effet adopté des lois porteuses d’espoir. On peut citer entre autre :
- La loi portant prévention et répression de la corruption au Burkina Faso ;
- La loi portant code minier ;
- La loi portant régime d’assurance maladie universelle ;
- La loi portant prévention, répression et réparation des violences à l’égard des femmes et des filles et prise en charge des victimes.
- La relecture de la loi portant liberté d’association ;
- La relecture de la portant organisation, composition, attributions et fonctionnement du conseil supérieur de la magistrature ;
Toujours au registre des actions que nous saluons il y a la déclaration des biens des membres du gouvernement même si elle a été bâclée par le temps mis pour le faire et par les biens déclarés et visiblement faux ou incomplet par certains ministres, le premier des ministres en tête. Enfin les élections globalement bien organisées et dont les résultats ont été reconnus par tous les acteurs peuvent compter dans les succès des autorités de la transition, qui en avait fait une priorité.
Pour ceux qui s’étonneraient qu’on ne cite pas la dissolution du RSP, il nous plaît de rappeler que cette dissolution n’a jamais été dans les intentions des autorités de la transition (à l’exception notable et salutaire du président du CNT) qui ont déclaré urbi et orbi que cette meute de terroristes et de bandits de grand chemin surarmée était une force «d’élite» qu’on pouvait maintenir et convertir à autre chose. Pour notre part nos déclarations de Novembre 2014, de Février 2015 et d’octobre 2015 sont explicites sur le fait que notre mouvement n’a jamais partagé ce point de vue opportuniste.
Il y eut également des actions polémiques. Sont de celles-là les arrestations sélectives qui se sont concentrées uniquement sur les dignitaires des derniers jours du régime COMPAORÉ alors que parmi les «insurgés» on aurait pu pêcher pas mal de poissons du même (voir de plus gros) calibre si l’intention était vraiment d’arriver à un Burkina nouveau. C’est dans le même sens que nous avons jugé certes utile mais insuffisante la loi portant modification du code électoral ; cette loi a été visiblement taillée sur mesure pour écarter des dignitaires du régime COMPAORE au profit d’autres dignitaires du même régime. Dans le même registre de lois aux intentions recevables mais qui finalement se sont avérées polémiques il y a celle portant conditions d’avancement des personnels d’active des forces armées nationales notamment le troisième alinéa de son article 8 qui a été taillé sur mesure pour le premier ministre Yacouba Isaac ZIDA.
Enfin il y a les échecs ! Ils sont nombreux et même les plus nombreux. Le premier est l’échec des autorités de la transition (plombées probablement par l’influence du RSP!) à faire oublier le régime COMPAORE. Visiblement l’intention n’y était même pas ! Les résultats des élections couplées qui consacre le retour du régime COMPAORE sont le résultat du travail des autorités de la transition.
Cette incapacité à faire oublier le régime COMPAORE s’est illustré par les atermoiements sur la nécessité d’une volonté politique ferme pour faire avancer RAPIDEMENT les dossiers judiciaires emblématiques ! Même la mise en examen des COMPAORE a traîné ! Il a fallu que des organisations de droits humains en fassent un créneau pour qu’on en arrive là.
Un autre échec et pas des moindres de la transition est celui d’avoir passé par pertes et profits les questions sociales et de la vie chère. Embouchant la trompette anti-travailleur du régime COMPAORE, le pouvoir de la transition a passé une bonne partie de son temps à esquiver les problèmes des travailleurs ou à les menacer de répression. On se rappelle des tons guerriers du président de la transition (le 31 décembre 2014) et ensuite du premier ministre contre la mobilisation des travailleurs notamment lorsque les travailleurs de la Brakina se sont mobilisés contre un négrier du 21ème siècle, en l’occurrence Pierre Castel.
Nous pouvons mentionner un autre échec majeur de la transition : celui d’avoir maintenu voir renforcé l’influence des puissances étrangères sur notre pays. Avec le pouvoir de la transition nous n’avons pas senti un seul instant la volonté d’affirmer la souveraineté de notre pays. Pourtant ils étaient nombreux dans ce pouvoir ou dans ses environs à se réclamer de Thomas SANKARA dont l’aversion pour l’impérialisme ne souffre pas d’ambiguïtés. Les ambassadeurs de France et surtout des USA agissaient en terrain conquis tant ils étaient/sont omniprésents et omnipotents. Les langues fendues au mauvais endroit nous apprennent d’ailleurs que les rivalités entre les puissances sont en cours pour le choix du premier ministre des burkinabé : le comble !
Nous pouvons mentionner enfin un dernier échec : celui d’instaurer une gouvernance vertueuse. En effet sous la transition des accusations très graves presque jamais démenties sur des cas de gaspillage des ressources et de détournement à ciel ouvert de fonds ont été véhiculées. Plusieurs articles de presse dont ceux persistants du célèbre journaliste d’investigation Newton Ahmed BARRY en ont fait cas. Dans la même vaine, le quotidien l’observateur paalga a révélé récemment un véritable pillage des ressources publiques par des ministres du gouvernement de la transition. Aucun démenti sérieux, aucune poursuite en diffamation n’ont été constatés ! Des suspicions de corruptions de certaines organisations de la société civiles par le premier ministre de la transition (dont certaines sont/étaient membres avec notre mouvement de la coordination des OSC) ont eu cours pendant cette transition. Toujours dans les impaires, on a noté avec grand étonnement un grand activisme des autorités de la transition dans les nominations de complaisance et les attributions de marchés à grande échelle au soir de cette transition. Tout cela sonne comme s’il fallait «assurer les arrières» avec la fin du pouvoir de la transition. Évidemment dans le chapitre de l’échec dans la gouvernance vertueuse nous ne pouvons passer sous silence la nomination « au grade de général de division à titre exceptionnel » du premier ministre actuel Yacouba Isaac ZIDA, ci-devant lieutenant-colonel et putschiste désigné par le RSP et à qui notre peuple a imposé le retour à un pouvoir civile au moins dans les principes. Ce parachutage opportuniste, potentiellement «confligène» pour l’armée a été fait sous le prétexte fallacieux et insultant de «services rendus à la nation» et «pour avoir accepté céder le pouvoir aux civile à l’issue de l’insurrection des 30 et 31 octobre 2014». Comment peut-on fabriquer une histoire d’une telle absurdité en un an ? Ce titre de général a été suivi par les manœuvres en cours pour que notre premier ministre «émérite» atterrisse à Washington comme ambassadeur comme l’ont rapporté plusieurs presses. L’actuel premier ministre par ces éléments concentre et illustre ainsi le règne de l’opportunisme et de l’arrivisme sous cette transition. Pour que plus rien ne soit comme avant, il n’est pas possible que nous, organisations citoyennes n’en parlions pas à défaut d’agir contre. Quid de l’organisation calamiteuse des concours de la fonction publique ? Quid des décorations qui puent la complaisance ? On peut allonger davantage la liste des échecs mais nous nous en tenons là.
Comme on peut le constater à travers ces quelques lignes qu’on peut approfondir et affiner, la transition a échoué à créer le Burkina nouveau dont plusieurs de nos compatriotes et même les étrangers avaient rêvé. On a déshabillé Pierre pour habiller Paul. C’est dommage pour le Burkina Faso mais en même temps c’est une invite aux organisations citoyennes indépendantes comme la nôtre à mener le combat pour que triomphe un Burkina Faso libre et démocratique, un Burkina Faso débarrassé de la domination néocoloniale et résolument engagé pour l’unité des peuples d’Afrique.
Au regard de tout ce qui précède, il nous semble essentiel qu’un audit intégral soit fait de la gestion de la transition. Cet audit que nous appelons de nos vœux permettra de séparer la mauvaise graine de l’ivraie et de sanctionner les éventuels coupables de manquement aux règles de bonne gouvernance notamment financière.
AFRIKAMBA ne manquera pas de jouer sa partition avec les moyens qui sont les siens.
En attendant AFRIKAMBA souhaite une bonne et heureuse année 2016 à tous les burkinabé et les exhorte à une fête modérée dans la prudence (notamment en circulation) pour éviter les lendemains de malheurs.
AFRIKAMBA, Pour une Afrique des peuples !
Ouagadougou le 28 décembre 2015
Pour le mouvement Afrikamba, le vice-président
Oumarou HEBIE
Tel :+226 78 84 03 45
E-mail : hebie.oumarou@gmail.com