L’Opinion- Ce n’est pas la première fois que des journalistes sont dans un gouvernement au Burkina. Mais c’est la première fois que des journalistes sont promus à cause de leur activisme, à cause du rôle qu’ils ont joué dans l’accession au pouvoir des nouveaux dirigeants. Dans le gouvernement THIEBA, les nominations d’Alpha BARRY et de Rémi DANDJINOU ont vite tiqué. Si certains de la corporation jugent cela comme une reconnaissance pour la profession, pour d’autres ce type de promotion « pour service rendu » est des plus fâcheux et s’apparente à du braconnage. Après les OSC, « remerciées » à coup de nominations, de bachish et de marchés douteux sous la transition, faut-il penser que c’est au tour de la profession de passer à la caisse ?
L’intrusion des OSC en politique est un danger pour nos jeunes démocraties en Afrique. Un constat d’usage. Avec ce qui s’est passé dans notre pays, ces deux dernières années, l’on se rend compte que des individus s’y cachent pour assouvir des ambitions politiques. Il en est du même du journalisme. En effet, il est dit que le journalisme mène à tout pourvu qu’on en sorte, certains de la corporation n’ont pas hésité à s’approprier la prémisse de la fameuse assertion pour s’aménager des aires de braconnage en milieu journalistique au profit d’ambitions politiques. En effet, tous les analystes sont d’avis que la presse a joué un rôle extrêmement déterminant dans la fermentation de la gronde sociale qui a servi de terreau pour attenter à la république dans le courant du mois d’octobre 2014. On avait l’impression du preux chevalier prêt à tout sacrifier pour le « peuple ». Ce qui se passe actuellement nous fait redescendre sur terre. Qui pouvait imaginer que les éditos de Rémi DANDJINOU à canal3, ses cartons rouges brandis à tour de bras contre le régime de Blaise COMPAORE étaient en réalité des pièces d’un plan savamment monté ?
Pendant des années, l’enseignant qui s’est découvert la fibre journalistique, et qui s’éveillera dans le métier, montrera l’image d’un homme engagé dont l’action était désintéressée. Qu’il se battait pour une vraie démocratie dans notre pays. Que son combat, c’est pour un mieux-être des Burkinabè, un partage équitable des fruits de la croissance. Il a vilipendé des maires et des députés, défié des ministres, avec à-propos et une témérité qui ont forcé respect et agacement. Au bout de la course on s’interroge : tout çà pour çà ? Le but de la manœuvre était-il simplement d’être ministre à la place du ministre qu’il critiquait jusqu’à soutenir contre le régime COMPAORE que le poste de ministre de la Communication était «inutile» ?
Ministre sous la Transition aurait été plus ou moins acceptable, mais là ! Dans un domaine où tout est possible, celui de la politique, on se surprend à penser que tout ce qui a été dit ou fait ne visait in fine que cet objectif. Sinon comment comprendre qu’après avoir fustigé la gestion COMPAORE, il se retrouve dans un gouvernement de ceux qui pendant 26 ans ont symbolisé cette gestion-là ? Peut-on véritablement parler du système COMPAORE, en y soustrayant les tacticiens que sont Simon COMPAORE, Roch Marc Christian KABORE, et Salif DIALLO ? Ces mêmes tacticiens qui, pendant 26 ans pour certains et plus pour d’autres, ont posé les bases de ce que lui, Rémi DANDJINOU, pourfendait dans un matraquage à travers ses chroniques acerbes. Vraiment incroyable mais comme du journalisme on peut tout faire, l’homme a réussi la pirouette et est aujourd’hui, ministre d’un « ministère inutile » dans un gouvernement dirigé par les mêmes hier piliers du système COMPAORE.
Certainement, le ministre Rémi recevra des cartons rouges de la part d’autres confrères. Et ce ne sont pas nos confrères de canal3 qui devraient s’en priver ; eux qui ont des choses à lui reprocher dans la gestion de leur outil de travail qui a failli mettre la clé sous le paillasson.
Le ministre Alpha BARRY, lui aussi, évolue dans le même registre. C’est à croire que sa Radio, « Radio Oméga », est née pour compléter le puzzle de la conspiration contre Blaise. Elle a été effectivement à la pointe des actions déstabilisatrices voire destructrices des 30 et 31 octobre 2014. Avec ses informations orientées à souhait et l’activisme débordant de certains de ses animateurs, elle a aiguillonné la fronde, conduit les marcheurs sur les différents points à l’image d’un véritable centre de commandement. Pour de nombreux analystes, les massacres des 30 et 31 octobre n’auraient pas eu lieu, en tout cas pas avec autant d’ampleur, sans Radio Oméga. On a donc été légitimement étonné que son promoteur ne figurât pas au nombre des « récompensés », en tout cas pas officiellement. A présent, le mal a été réparé. Il est maintenant au cœur du pouvoir avec le portefeuille de souveraineté qu’il occupe qu’est le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération régionale. Curieusement, c’est aussi maintenant que ça chauffe à radio Oméga avec des sanctions qui tombent sur des travailleurs dont le seul tort aurait été d’avoir fait leur boulot de critique des actions des tenants du pouvoir ! Allons seulement ! Ce n’est que le début du commencement.
C’est triste, mais c’est ça la vérité. Ces gens qui se sont battus bec et ongle dans la société civile contre le régime COMPAORE ont fini, pour certains, piètre ministre, avocat de l’État, et autre président d’institution une fois qu’ils ont atteint leur objectif. Leur passage dans les institutions a laissé un goût amer pour les employés. Qui pouvait penser que le combat que menait le Pr Augustin LOADA avec son CGD, c’était juste pour avoir un poste de ministre ? une méchante langue n’hésite pas à dire qu’il eut juste fallu que Blaise COMPAORE leur tendît « à manger » pour qu’ils la fermât !
Le passage des activistes d’OSC et de médias dans le pouvoir de la Transition a montré la voie à suivre dorénavant. Roch s’y est engouffré. Naturel quand on est conscient de ses propres limites qui sont hélas très proches. Mais il faut savoir que le résultat des courses est aussi là et interpelle. Ministres, présidents d’institutions, avocats issus de ces eaux ont montré leurs limites dans la gestion de la chose publique. Pouvait-il en être autrement ? En une année, LOADA a « cgdéiser » la fonction publique. Chériff SY a divisé les Burkinabè par une loi d’exclusion qui restera dans l’histoire. Guy Hervé KAM a poussé à la roue pour une loi dont la « défense » lui a permis d’engranger des millions. De piètres artistes sont devenus des conseillers occultes et des entrepreneurs culturels. Si c’était seulement cela ! La division créée entre les Burkinabè, la mort de dizaines de jeunes gens, les milliards de pertes économiques, les domiciles incendiés, l’insécurité exacerbée, etc. doivent être portés à l’actif de tous ces messieurs et dames.
En tout cas aujourd’hui, ce n’est pas le nouveau pouvoir qui s’en plaindra car la promotion des Rémi DANDJINOU, Alpha BARRY, René BAGORO etc… grandes gueules devant l’Éternel, le met à l’abri de leur « venin ». Ce qui est sûr, qui mieux que ceux qui les ont utilisés contre Blaise COMPAORE pour arriver au pouvoir, pour savoir que museler ces gens-là y va de la survie même de leur pouvoir ? Mais cela est loin d’être un programme et ne remplira pas le ventre des Burkinabè. Alors… En vérité, pour un vrai journaliste, les strapontins dont bénéficient nos confrères sont un cadeau empoisonné et l’avenir nous le dira !
Pouloumdé ILBOUDO
(In L’OPINION N° 942)