Une hérésie démocratique ! Rien de plus. Au Burkina Faso, la volonté manifeste de certains leaders politiques et de la société civile, d’exclure, par le vote d’un nouveau code électoral, des personnalités de l’ancien régime (CDP, parti de Blaise Compaoré), n’est ni plus, ni moins, qu’une atteinte intolérable au droit de chaque citoyen, de participer au jeu démocratique de son pays, et surtout une atteinte surprenante au droit de tout peuple, de choisir librement ses propres dirigeants.
J’ai écouté un « brillant » avocat et un « éminent » leader de la société civile burkinabè, sur une radio, et leurs arguments étonnants m’ont fait vibrer de dépit. Expliquer cette exclusion programmée, par « la volonté de la majorité » (dixit) rappelle étrangement les explications loufoques fournies par le clan Compaoré (personne ne peut me reprocher d’avoir des atomes crochus avec Compaoré, soit dit en passant), pour justifier le maintien indéterminé de leur champion au pouvoir.
Evidemment, ceux qui défendent la thèse de l’exclusion de certains cadres de l’ancien régime, n’ont jamais fait un référendum, pour décréter que cette exclusion, relève de la « volonté de la majorité ». De même, au nom de quel texte constitutionnel, des individus, parce qu’ils ont la possibilité de disposer de certains destins actuellement (exactement comme le faisaient les anciens députés du CDP), s’arrogeraient-ils le droit, d’exclure du jeu politique, des citoyens, dont la justice ne reproche aucun crime, ni délit ?
Leaders burkinabé, vous qui soutenez cette initiative antidémocratique, sachez qu’une loi doit être impersonnelle et générale ; elle ne doit pas viser des individus, surtout quand ceux-ci jouissent de tous leurs droits civiques. Si vous avez des choses à reprocher aux pro-Compaoré, saisissez la justice, c’est cela la démocratie pour laquelle certains de vos frères ont payé de leur vie et de leur sang, ces jours tristes de la glorieuse révolution.
Car en excluant certains Burkinabé du jeu politique, en réalité, pour faire le lit d’autres personnalités (personne n’est dupe), vous n’êtes pas mieux que Compaoré, et c’est cela qui fait la honte des intellectuels africains qui ont soutenu votre noble et beau combat. Ne trahissez pas la mémoire de vos martyrs, qui n’ont pas donné leurs vies, pour qu’une loi injuste remplace d’autres lois injustes.
André Silver Konan
Journaliste-écrivain
Spécialiste du Burkina Faso