@informateur- Depuis quelques jours, surtout à la faveur de la victoire des Eléphants à la CAN 2023, on entend dire, ici et là, que le chef de l’Etat, Alassane Dramane Ouattara, mériterait un autre mandat à la tête du pays. Un certain Blé Guirao a même dit qu’Alassane Ouattara a donné trois étoiles à la Côte d’Ivoire, et qu’il faudrait que l’on lui donne en retour « le deuxième mandat de la troisième république». Ce qui a été repris en chœur, le week-end dernier, dans la région montagneuse de Man, où quelqu’un d’autre, s’appelant Déli Mamadou, se fait chantre de l’« Appel du Tonkpi», qui demande au chef de l’Etat d’accepter cette offre d’un autre mandat présidentiel.
À ceux-là, qui parlent d’un «deuxième mandat présidentiel de la troisième république», à donner à Monsieur Alassane Dramane Ouattara en 2025, nous voudrions dire ceci : il dit qu’il est houphouétiste, et en trois mandats, il a mis 30.000 milliards de franc CFA sur notre tête. C’est Houphouët-Boigny qui lui dit de le faire à la Côte d’Ivoire ?
Blé Guirao et Déli Mamadou, ouvrez les yeux, et regardez-vous d’abord : à force d’aimer avoir l’argent facile du pouvoir pour en jouir et parader, à force d’attendre, pour cela, que ce Zeus de votre croyance aberrante, vous donne des postes juteux, d’avoir tellement chanté ses louanges à vous décrocher même la mâchoire, à force de vouloir lui servir du thé et y mettre trop de sucre que lui-même ne le désire, vous oubliez qui vous êtes, et vous vous reniez.
Non, votre «Appel du Tonkpi» ne sera pas ce miel à prendre des mouches. Soyez un peu plus sérieux, quand on parle de la vie d’un peuple, et non de la gloire du commandement d’un individu, fût-il Monsieur Alassane Dramane Ouattara, à qui vous voulez à tout prix continuer à faire porter la cape toute empourprée de sang.
Souvenez-vous que votre propre mentor, Albert Mabri Toikeusse, président de votre parti UDPCI, était, en 2020, l’un des tenants du CNT (Conseil national de Transition) qui s’opposait drastiquement au troisième mandat du même chef d’Etat, Alassane Dramane Ouattara, et qu’il s’était promptement enfuit du pays, quand la répression du régime Ouattara s’est froidement déclenchée à l’encontre des leaders du CNT : Pascal Affi N’guessan, président du FPI, et porte-parole de ce CNT, avait été emprisonné ; Maurice Kacou Guikahué, secrétaire exécutif en chef du PDCI-RDA, et quelques-uns de ses collaborateurs du parti d’Houphouët-Boigny, avaient été emprisonnés ; l’ancien chef d’Etat Henri Konan Bédié (qui avait échappé à une arrestation à laquelle il s’était carrément opposé), et son épouse, ont été humiliés par des barbouzes de la police, qui ont violé leur intimité dans leur résidence de Cocody.
Par-dessus tout, la répression du régime Ouattara avait fait des victimes (des morts et des emprisonnés) parmi les manifestants de l’anti-troisième mandat : la tête d’un jeune homme de Daoukro lui avait été même tranchée, et avait servi de ballon de football à ses bourreaux. Cette situation macabre avait créé une onde de choc. C’était lui, le jeune martyre de cette sombre année du troisième mandat de Monsieur Alassane Dramane Ouattara.
Aujourd’hui, vous voilà vouloir un 4ème mandat pour lui. S’il ne vous est pas pénible d’être comme des sacrificateurs ritualistes, n’oubliez pas que vous êtes, avant tout, des êtres humains. Que gagnez-vous à vouloir faire créer une autre situation apocalyptique en Côte d’Ivoire en suscitant cet appétit pour un 4ème mandat, qui ne passera pas ? Des postes politiques ? De l’argent frais ? Des voitures de luxe ? Un château pour chacun de vous ? Mais que vaudra tout cela entre vos mains, quand le pays que vous appelez à un autre nouveau bouillonnement, sera invivable ?
Soyez-en sûrs, le 4ème mandat de Monsieur Alassane Dramane Ouattara, que vous prenez pour être le 2ème mandat de sa 3ème république, sera encore plus impopulaire. Si vous pensez vraiment que sa 3ème république de 2016, a remis le compteur de ses précédents mandats quinquennaux à zéro, qu’en est-il alors de cette colossale dette extérieure de plus de 30 000 milliards de franc CFA, qu’il a prise à l’étranger ? Qui paiera cette dette que vous verrez encore multipliée par l’exercice de ce prochain mandat ? Et puisqu’on parle de dette extérieure, qu’en est-il aussi des 32, 8 milliards de franc CFA, que la France a prêtés à la Côte d’Ivoire, dans le cadre du Contrat de désendettement de développement (CDD, acte 3) ? Ces fonds devaient permettre de financer l’aménagement des quartiers à restructurer à Abidjan, dans des communes telles que Yopougon (Gesco), Abobo et Koumassi, et améliorer la vie de plus 300 000 habitants.
Mais que voyons-nous aujourd’hui, au lieu de cela ? Des habitations broyées et leurs habitants (pères, femmes et enfants) déguerpis et mis dehors, jetés à la rue. Une école cassée, à la Gesco, en pleine année scolaire, et ses écoliers et élèves livrés à la perte de leur année scolaire.
Et pendant que se font, sous les yeux larmoyants des victimes et de tous, ces déchirures sociales inhumaines, vous êtes préoccupés dans votre coin, vous Blé Guirao et Déli Mamadou, à lancer votre irréaliste « Appel du Tonkpi », qui demande aux Ivoiriens de s’apprêter à offrir un 4ème mandat présidentiel à Monsieur Alassane Dramane Ouattara. Est-ce cela, faire la politique ? N’avoir des yeux que pour se satisfaire l’estomac aux délices du pouvoir, et les fesses à poser sur des postes à obtenir pour avoir tant chanté des odes fleuries au prince régnant?
Quand il l’avait présenté à la Côte d’Ivoire en 1990, pour en faire un Premier ministre qui n’avait que 100 jours pour restructurer l’économie exsangue du pays, et s’en aller, Houphouët-Boigny avait-il dit à Monsieur Alassane Dramane Ouattara de devenir, après lui, ce président abusif qu’il est aujourd’hui à la tête du pays? Lui avait-il précisément dit : Gouverne à tout prix ce pays quand je serai bientôt parti de la Terre des Hommes?
La Côte d’Ivoire s’interroge toujours et encore, sur cet entêtement de Monsieur Alassane Dramane Ouattara, à rester le prince régnant. Et à ceux qui le suivent et le soutiennent dans cette voie, nous disons que la Côte d’Ivoire attend le moment fatidique de lui rendre compte.
Sylvain Takoué,
Écrivain ivoirien en exil,
Leader du RURÉN-CI.