@informateur- Le Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko, qui est en campagne pour les Législatives anticipées du 17 novembre 2024, n’avait vraiment pas besoin de ça. De la parution d’un ouvrage sur la Casamance, cette région ‘’rebelle’’ du Pays de la Teranga en butte contre le pouvoir central depuis 1982.
Les séparatistes casamançais qui se battent contre l’armée régulière sénégalaise depuis quatre décennies au moins, n’ont pas encore mis l’arme aux pieds. D’ailleurs, la dernière opération de l’armée contre ces derniers, remonte au 23 mars 2022. A cette date, les soldats sénégalais ont totalement détruit ou occupé les bases rebelles dans plusieurs régions de la Casamance (sud). Outre un mort et huit blessés chez les militaires, les affrontements ont fait plusieurs morts dans le camp des rebelles, a annoncé l’armée sans en préciser le nombre, et d’autres séparatistes ont fui en abandonnant armes et matériel. « Ces bandes criminelles en déroute seront traquées jusque dans leurs derniers retranchements, à l’intérieur du territoire national et partout ailleurs », a prévenu l’Etat-major de l’armée sénégalaise.
Le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) de Salif Sadio mène un conflit de basse intensité depuis 1982, ayant causé plusieurs milliers de morts. Ce conflit est resté latent jusqu’au lancement, en janvier 2021, par l’armée sénégalaise, d’une offensive majeure contre les rebelles. Le 24 du même mois, quatre soldats ont été tués dans des affrontements, sept autres ont été capturés et emmenés de l’autre côté de la frontière gambienne, avant d’être relâchés.
- Un narratif qui fait état de relations conflictuelles
Voilà l’histoire. Voilà les faits. Ils sont constitutifs d’un narratif qui fait état de relations conflictuelles entre le pouvoir central et la région de Casamance qui lutte pour son autonomie. Mais, pour le Premier ministre Ousmane Sonko, la simple évocation de l’idée d’une Casamance ‘’autonome’’ est inadmissible. C’est pourquoi, la cérémonie de dédicace prévue, le samedi 26 octobre 2024, par la librairie ‘’Aux 4 vents’’ a été annulée. Entré dans une colère noire, le chef de gouvernement qui est en campagne pour les élections législatives anticipées du 17 novembre prochain n’a pas mâché ses mots. ‘’On a entendu parler d’un livre écrit par une Française. J’en ai discuté avec le président de la République et ce livre-là, personne n’en fera la promotion ici au Sénégal. Ce livre ne sera ni autorisé, ni commercialisé au Sénégal’’, a martelé Sonko. Puis, il s’en est pris à l’historienne Séverine Awenengo Dalberto, chargée de recherche au CNRS, à l’Institut des mondes africains (IMAF), auteure de l’ouvrage ‘’L’idée de la Casamance autonome-Possibles et dettes morales de la situation coloniale au Sénégal’’. Pour l’ancien président du Pastef, ‘’Si cette Française veut écrire, elle n’a qu’à aller écrire sur la Corse ou la Nouvelle Calédonie qui demandent leur indépendance à la France. Elle n’a pas à écrire sur le Sénégal’‘. Selon le Premier ministre Sonko, le Sénégal est ‘’un Etat unitaire’’. ‘’Du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, les mêmes réalités vont s’appliquer sur chaque portion du territoire national ‘‘. Point final !
- Elle a tenté de donner ses motivations
L’auteure a tenté de donner ses motivations. Elles sont purement ‘’historiques’’ et non ‘’politiques’’. ‘’L’ouvrage ne vise aucunement à rouvrir les fractures comme certains pourraient le craindre. Mon travail est strictement historique’‘ a-t-elle tempéré. Mais, il en faut visiblement plus pour rassurer l’ancien opposant qui croit voir la main de l’Elysée derrière cet ouvrage. Comme si le travail de l’historien devait être mis entre parenthèses pour ne pas ‘’froisser’’ le politique. Or, ce sont deux mondes distincts, parallèles. Le premier nourrissant parfois le second. Et inversement.
Mais, toujours est-il que l’un et l’autre gardent leur indépendance dans l’exercice de leurs domaines de définition respectifs. C’est en cela que la réaction du Premier ministre Ousmane Sonko peut être perçue comme celle d’un ‘’négationniste’’, un ‘’négateur des évidences’’. D’autant que le séparatisme casamançais est un fait historique que nul ne peut nier. Est-ce parce que l’ouvrage qui retrace cette histoire sénégalaise ne sera pas ‘’autorisé’’ ‘’promu’’ ou ‘’commercialisé’’ au Pays de la Teranga que le ‘’séparatisme casamançais’’ disparaitra de la mémoire collective sénégalaise ? Rien n’est moins sûr.
De toute évidence, Ousmane Sonko engage un combat perdu d’avance, parce que c’est connu, tout ce qui est interdit attire. Cet ouvrage va donc davantage attirer les lecteurs sénégalais qui voudront chercher à comprendre pourquoi il est frappé du sceau de ‘’l’infamie’’ par l’ex-opposant à Macky Sall. Comme si ce dernier voulait réécrire l’histoire de son pays ? C’est un projet vain.
OM/Informateur.ci