@informateur- La production de l’or brun est en nette baisse au cours de la campagne 2023-2024. Une situation qui donne depuis quelques mois des insomnies aux coopératives et aux exportateurs qui voient leurs prévisions de volumes de l’année menacées. En cause, le changement climatique, une pluviométrie abondante qui a détruit une bonne partie des fleurs des plantes de cacao.
Entre juillet et septembre 2023, la pluviométrie en Côte d’Ivoire a été dévastatrice pour le cacao dans pratiquement les 13 régions de productions. Les précipitations ont déséquilibré les conditions optimales de production (Soleil et pluie), détruisant ainsi les belles fleurs qui devraient donner à partir d’octobre les fèves attendues. Ce qui a eu pour conséquence directe, le fait que les coopératives peinent à réaliser leurs volumes habituels pendant la grande traite en cours. Elles sont nombreuses les coopératives qui n’ont pas pu réaliser le millier de tonnes de cacao entre novembre et décembre alors qu’en temps normal à cette période-là, certaines franchissaient déjà les 2000 voire 3000 tonnes. La norme étant que c’est durant la grande traite que ces coopératives réalisent entre 60% et 70% de leurs volumes.
En effet, de la région du Tonpki, à l’Indénié-djuablin en passant par San-Pedro, la Nawa, le Gôh, le Guemon, le Haut-Sassandra, l’Agneby-Tiassa, ect, les mêmes récriminations et lamentations sont diffuses. «Il n’y a pas de cacao cette année», entend-on par-ci, «C’est chaud cette année», lance-t-on par-là. Cette situation a renvoyé sur le terrain, beaucoup de présidents de conseils d’administration qui rechignaient à se rendre dans certains campements ; abandonnant le gros du travail entre les mains des délégués ou des planteurs relais. Survie oblige, ils ont retrouvé malgré eux, les pistes qui mènent à leurs sections pour encourager les producteurs à récolter davantage.
- Les problèmes sont connus
Mais ce qui en rajoute à l’insomnie des premiers responsables des sociétés agricoles de collecte des fèves, ce sont les prêts et les avances dont ils ont bénéficié des banques et des exportateurs pour livrer le cacao. S’il n’y a pas de cacao, comment payer, voire rembourser ces sommes perçues?
Mais les coopératives ne sont pas les seules qui soient en proie au stress, les exportateurs qui attendent leurs volumes, partagent les mêmes angoisses. Dès décembre dernier on a vu certains d’entre eux proposer une majoration des primes de certification à des coopératives. Histoire de les inciter à faire des efforts supplémentaires pour tenir les engagements des volumes. Au rythme des récoltes actuelles, il n’est pas évident que le volume de production de 2,2 millions tonnes enregistré en 2023 soit atteint cette année. Ce qui va certainement constituer un manque à gagner de plusieurs milliards pour les caisses de l’Etat.
Ce manque à gagner questionne quelque peu la politique de pérennisation de la culture du Café-cacao et la responsabilité du Conseil du Café-cacao qui se plait à communiquer ces derniers mois sur le recensement des producteurs et le processus de traçabilité en cours alors que depuis 3 ans, ce même Conseil a pris la fâcheuse décision d’interdire la création de nouvelles plantations de cacao. Au motif que la production ivoirienne est forte, voire beaucoup et que cela pourrait entraîner une chute des prix. On ne soulignera jamais assez le caractère absurde de cette mesure qui dénote singulièrement d’un manque de vision prospective parce qu’elle n’a pas tenu compte de la démographie et n’a pas intégré une promotion locale de consommation du cacao. C’est à dénoncer.
- Des réflexions doivent être menées
En effet, comment, le Conseil peut-il contraindre les acteurs de la filière à rester sur leurs acquis en leur refusant toute possibilité d’agrandir leurs plantations? C’est un non-sens intégral. En tout état de cause, des réflexions doivent être menées pour que les producteurs n’aient pas le sentiment d’être ‘’pris en otage’’ par cette structure censée pourtant contribuer à l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail.
Pis, dans son discours de fin d’année, le président Alassane Ouattara a parlé de tout sauf de ce problème de baisse de production alors que le cacao, c’est 40% du PIB. C’est incompréhensible. Comme si le pays pouvait désormais se passer des recettes de l’or brun local qui représente 40% de l’offre mondiale. Cette situation pourrait impacter les ventes à terme de cacao pour la campagne 2023-2024.
Mais, il y a d’autres réalités qui questionnent encore la gestion de la manne générée par cette filière. En effet, alors que le pays est le premier producteur au monde, un rapport de la Banque mondiale estimait en 2019 que 54,9 % des producteurs de cacao ivoiriens et leurs familles, vivent en dessous du seuil de pauvreté. Une situation aggravée par l’augmentation des prix des intrants et l’inadéquation de la péréquation transport fixée par le Conseil depuis belle lurette à 85 FCFA. Mis l’un dans l’autre, tous ces problèmes mettent les coopératives qui évoluent dans la filière café-cacao dans une mauvaise passe. Puisqu’elles auront des difficultés pour faire face à leurs engagements vis-à-vis des exportateurs mais aussi de leurs adhérents, surtout, les plus vulnérables qui auront besoin de soutien.
Jean-François FALL