@informateur- Depuis le lundi 25 mars 2024, le Sénégal a un nouveau président, Bassirou Diomaye Faye, qui se trouve être le second du patron du Pastef, Ousmane Sonko dont l’ombre plane sur la victoire du successeur de Macky Sall.
L’élection de Bassirou Diomaye Faye à la présidence de la République du Sénégal ne laisse personne indifférent pour diverses raisons. D’abord, il apparait comme un candidat de substitution, puisqu’il a joui de la popularité, de l’aura et de la légitimité du président du parti des Patriotes sénégalais pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), Ousmane Sonko, maire de Ziguinchor, qui a été empêché de postuler à la magistrature suprême en raison de ses démêlés judiciaires (il était privé de ses droits civiques et politiques, du fait de sa condamnation dans le procès pour diffamation qui l’a opposé au ministre du Tourisme). Diomaye Faye a donc mené campagne sous l’ombre tutélaire d’Ousmane Sonko. Son élection est donc aussi celle de ce dernier qui doit bien se réjouir de ce happy end qui permet à son parti d’être en haut de l’affiche, même s’il peut éprouver de la frustration d’avoir été lésé par la justice qui l’a condamné. Toute chose qui a invalidé sa candidature. Mais, au final, cela aura été un mal pour un bien. Ensuite, le nouveau président se trouve face à un atout qui est aussi un handicap à ce niveau de responsabilité, à savoir sa jeunesse.
De fait, s’il peut surfer sur cette situation plutôt enviable pour lui du fait de sa proximité avec la majorité des électeurs qu’on recense dans cette frange de la population, il ne serait pas inutile de soutenir que cette jeunesse est également un handicap, puisqu’il n’a aucune expérience en la matière (il n’a jamais été élu, à quelque échelon que ce soit). Ce qui peut faire craindre le pire. Comme le laissent voir ses premiers mots de président de la République, puisqu’il n’a pas trouvé mieux à proposer que de vouloir transférer, dans une sorte d’enthousiasme militant, la capitale du Sénégal à Ziguinchor, fief de son mentor qui en est le premier magistrat.
Mais pas que, parce que cette ville n’est pas ‘’n’importe quelle cité’’. C’est la capitale de la Casamance, une région ‘’rebelle’’ en butte à l’Etat central depuis des années. Il faut également noter, et ce n’est pas anodin, que Bassirou Diomaye est déjà contesté au sein de son propre parti où certains estiment qu’il n’a pas le coffre pour occuper ce poste éminemment politique. ‘’Il n’est pas présidentiable’’, persifle l’un des membres du Pastef qui semble apprécier modérément la première sortie du successeur de Macky Sall.
- A l’évidence, c’est à ce niveau que tout va se jouer
Mais, la question que l’on se pose depuis l’élection de Diomaye Faye est celle-ci : pourra-t-il s’affranchir de la tutelle de Sonko, son mentor et maître à penser ? C’est une question principielle dont la réponse va conditionner sa présidence. A l’évidence, c’est à ce niveau que tout va se jouer. Parce que de la solidité de l’attelage (les deux sont allés à la rencontre que Macky Sall a eue avec son successeur, ce qui en dit long sur ce que va être la suite) va dépendre l’avenir du Sénégal pour les cinq (5) prochaines années. Mais, déjà on peut envisager deux cas de figure.
D’un, les deux hommes continuent à s’entendre et gèrent le pays en tandem. Dans ce cas, le Sénégal va vivre dans une relative stabilité pendant la prochaine mandature. De deux, les égos des deux s’entrechoquent. Alors, bonjour les dégâts ! On n’en a eu un aperçu pendant les dernières années du second mandat de Macky Sall qui a donné à voir une opposition féroce entre ce dernier et le président du Pastef.
Faut-il rappeler que leur adversité a embrasé le Sénégal avec à la clé des manifestations violentes qui ont enregistré des morts ? Dès lors, on peut soutenir qu’avec l’accession de Diomaye Faye au pouvoir, le pays de la Teranga est à la croisée des chemins. Entre le meilleur et le pire. Entre le duo ou la paire Diomaye-Sonko et le duel entre le président du Pastef et son second. Tout va donc dépendre, on l’aura compris, de l’intelligence que déploieront les deux pour éviter de se marcher sur les pieds. Mais, dans cette situation, celui sur qui va reposer la plus grande responsabilité, c’est Ousmane Sonko. Parce que c’est de la manière dont il va concevoir son rôle et sa place auprès du président élu que va dépendre la relation entre les deux personnes. En effet, s’il pense que l’ex-secrétaire général du Pastef a certes été élu mais que c’est grâce à lui et que de ce fait, c’est lui, le vrai ‘’président’’, on peut craindre des brouilles et donc le pire.
- Il est trop tôt pour connaitre la direction du vent
A contrario, s’il se revêt d’humilité et accepte de s’effacer pour que Diomaye prenne toute la place, alors, l’espoir d’une présidence paisible est permis. Il sera alors un soutien pour son ex-lieutenant qui pourra compter sur lui pour conduire le pays. Mais, il est trop tôt pour connaitre la direction que va prendre le vent. En attendant, on peut continuer à spéculer sur la place que va occuper le président du Pastef au sein du système Diomaye qui va se mettre en place après le 02 avril. Sera-t-il le prochain Premier ministre du Sénégal ? Tout semble l’indiquer. Sauf que le poste de président de l’Assemblée nationale, deuxième personnage de l’Etat, pourrait mieux lui convenir.
D’autant que le Pastef a pour projet de supprimer le poste de Premier ministre. Dans ce cas, le perchoir a toutes les chances d’être le prochain point de chute de Sonko, sauf surprise. Néanmoins, dans un cas comme dans l’autre, la première difficulté, on le voit, pour le nouveau président élu sera de donner à son ami et mentor la place qu’il mérite au regard de ce qu’il représente pour le parti au pouvoir. C’est une situation totalement inédite, puisque d’habitude, c’est le président du parti qui est porté à la magistrature suprême, de sorte que de tels cas ne se posaient jamais.
En résumé, le premier défi du successeur de Macky sera donc non seulement de former son premier gouvernement en prenant en compte les multiples alliances qu’il a nouées au dernier moment et qui lui ont permis de se tailler une légitimité robuste en raflant la mise dès le premier tour, mais, surtout, de caser, on l’a dit, Ousmane Sonko qui semble apparaitre comme un cactus sur le chemin de sa présidence. Au point où certains craignent une double présidence pour le mandat qui s’ouvre bientôt. Mais, l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo l’a dit, la présidence de la République ‘’ce n’est pas un banc, mais un fauteuil’’. Gageons que Sonko l’entendra de cette oreille. Et qu’il ne sera pas un serpent dans la poche de Diomaye Faye. Touchons du bois !
Ousmane MODIBO