Informateur.info-Abidjan- Rien n’est encore gagné quant à une transition réussie au Burkina Faso. Surtout quand la violence s’y invite de manière sournoise. Ou encore quand des esprits malins pensent pouvoir imposer, au nom d’une certaine précaution, le report du droit de vote des Burkinabè de l’extérieur.
En effet en décidant, le 19 janvier 2015, de priver les Burkinabè de l’extérieur du droit de vote en 2015, alors qu’initialement l’article 22 de la Charte de la Transition librement et unanimement adoptée l’autorise conformément à la constitution, on se met forcement à dos une frange de Burkinabè concernés par cette mesure.
Selon le ministre Auguste Barry, annonciateur de cette mesure d’ostracisme, la mise à l’écart des Burkinabè de la Diaspora viserait à éviter l’échec du processus électoral. Autrement dit pour la sécurité du processus en cours, il faut sacrifier d’autres Burkinabè. Oubliant de manière suicidaire cette citation de Benjamin Franklin qui dit : « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux». Mieux, Abraham Lincoln conseillait ceci : «un vote vaut mieux qu’un fusil». En mi-février, soit un mois après la remise en cause de l’article 22 de la Charte de la transition, Alexandre Lebel Ilboudo, journaliste écrivain, publiait en Côte d’Ivoire, un livre intitulé «Processus Exclusif» dans lequel il attire l’attention des autorités de la transition sur les conséquences du non-vote de la Diaspora. Il évoque, entre autres, les risques d’une altération du sentiment de patriotisme chez ces Burkinabè exclus mais aussi la violence qui pourrait devenir une arme de revendication.
Deux semaines seulement après la dédicace de cet ouvrage, les prémices de cette violence se font sentir avec l’humiliation et la tentative de séquestration du ministre burkinabé de l’Administration territoriale et de la Sécurité à Abidjan. En effet, venu expliquer à la Diaspora les raisons du report de son droit de vote, ce dernier a essuyé le 09 mars dernier le courroux d’une jeunesse qui défendait ce droit. Les faits sont graves, très graves. Mais plutôt que d’y voir la relation de cause à effet, l’on crie, du côté de Ouagadougou, à la manipulation allant même jusqu’à accuser Blaise Compaoré de tirer les ficelles. Ça commence à bien faire. Dans la foulée, un comité d’accueil est mis en place à Ouaga, le jeudi 12 mars, pour célébrer le ministre Auguste Denise Barry, considéré comme un héros. Au-devant de ce comité, le Premier Ministre Yacouba Isaac Zida lui-même, en personne. Dans les faits, c’est tout à fait normal qu’une frange de Burkinabè exprime sa solidarité avec le ministre Auguste Barry. Mais dans l’opinion, cela met en évidence une fracture désormais évidente entre certains Burkinabè de l’intérieur et ceux de l’extérieur. En fait, l’erreur des autorités de la transition c’est de croire que les Burkinabè leur faciliteront forcement la tâche durant leur mandat, pendant qu’elles manœuvrent pour choisir le Président qui doit leur succéder.
Partout dans le monde la négation des droits humains et l’injustice ont toujours débouché sur des violences. Et ce n’est pas parce qu’il s’agit du Burkina Faso qu’il en sera autrement. Surtout quand un président intérimaire s’autorise à dire que le Burkina Faso n’a pas assez d’amis en Côte d’Ivoire. D’autant plus que la décision de la mise à l’écart de millions de Burkinabè de la diaspora a été prise dix jours seulement après cette maladresse diplomatique. Il faut être dupe pour ne pas y voir la prévalence d’un «vilain sentiment» au détriment du droit de vote de millions de citoyens burkinabè. L’autre erreur, celle d’une frange de Burkinabè de l’intérieur, c’est de croire qu’elle a le monopole de la violence. Et qu’on lui doit exclusivement l’insurrection au point que le Burkina Faso de l’après Compaoré devrait être ce que elle et elle seule décidera. Non ! La réalité est que, les Burkinabè, tous, sans exception, qui soient de l’intérieur ou de la Diaspora en avaient marre du régime Compaoré. Toutefois, ils ne nourrissent pas forcément les mêmes ambitions après la chute de Compaoré. Ce que le Burkina Faso devrait éviter avant l’élection d’octobre de 2015, c’est que des Burkinabè se dressent contre d’autres Burkinabè. Or le sentiment que les autorités de la transition n’ont pas le sens de l’équité pourrait y conduire. Comment expliquer que les partis politiques qui cautionnent le fait que des millions de Burkinabè soient écartés du jeu politique d’octobre de 2015 s’autorisent, comme une cerise sur le gâteau, à demander la mise à l’écart des candidats issus de l’armée. De quoi ont-ils peur ? Que font-ils des libertés et des valeurs de démocratie ? La Transition burkinabé a très bien commencé. Mais le tout n’est pas de bien commencé. Il faudra éviter qu’elle ne soit prise en otage ou qu’elle ne soit écourtée et ne finisse de façon désastreuse, parce que l’on aura mis sous le boisseau le Droit et La loi au profit des sentiments personnels et autres considérations politiques. La crise ivoirienne doit servir de leçon aux autres. La fin, dit-on, pouvant justifier les moyens.
Sir Alfred, Informateur.info