‘- «Il faut des états généraux de la chancellerie»
– «Je milite pour une redéfinition des missions du RSP»
Informateur.info- Spécialiste en gestion communautaire, Lamine Savadogo ne demeure pas moins un leader d’opinion de la diaspora burkinabé en Côte d’Ivoire. Dans cet entretien, il commente la prochaine venue du Premier ministre burkinabé en Côte d’Ivoire et livre sa lecture du processus électoral au Burkina Faso.
Le Premier Ministre burkinabé Yacouba Isaak Zida séjournera à Abidjan du 5 au 7 juillet prochain dans le cadre de la préparation du sommet du traité d’Amitié et de Coopération Ivoiro-Burkinabé. Comment accueillez-vous cette visite annoncée ?
Toute visite de cette nature est toujours une bonne chose parce qu’elle permet de renforcer les liens d’amitié et de coopération. C’est donc une visite en laquelle nous plaçons beaucoup d’espoir. Espoir de voir les relations bilatérales se réchauffer, mais également espoir de voir se dissiper certains malentendus liés à la présence du président Compaoré en Côte d’Ivoire. Je crois que les autorités de la transition du Burkina Faso doivent prendre conseils avec le président Ouattara qui a plus d’expérience.
Il y a des craintes qui ont été de part et d’autres formulées quant à l’organisation d’une élection inclusive au regard de l’adoption du nouveau code électoral. La question vous interpelle ?
Ces craintes sont parfaitement légitimes parce que l’exclusion n’a jamais été un exemple de gouvernance, encore moins un principe de démocratie. Il serait déplorable que le Burkina Faso organise des élections qui ne soient pas inclusives. Mon souhait est que ces élections soient inclusives.
Pourtant l’adoption de ce code électoral autour duquel les craintes se concentrent aujourd’hui est venue s’ajouter à une première exclusion qui a été celle du report du vote de la diaspora. Votre avis sur la question ?
Je suis de ceux qui pensent que cette décision est aussi mauvaise que le code électoral adopté. Qui sont ces burkinabè qui ne votent pas chez eux et ne votent pas non plus dans les pays d’accueil où ils vivent. Au-delà de cette décision, le report du droit de vote de la diaspora donne une nette idée de la considération que les autorités burkinabè ont de sa diaspora. Il a toujours manqué à ces autorités la volonté politique. Nous avions pensé que la transition aurait réussi ce pari. Malheureusement notre déception est grande sur ce point. Et rien ne garantit aujourd’hui que ce vote se fera en 2020.
Ils sont nombreux sur les réseaux sociaux qui invitent la diaspora à rentrer le faire s’ils y tiennent tant à ce vote ?
Heureusement que ce ne sont pas les autorités qui le disent mais des personnes qui ne comprennent pas toujours ce que cette diaspora apporte au pays. Et si la diaspora devrait être obligée de rentrer voter au Burkina Faso à quoi servent alors les ambassades et les consulats généraux. C’est tout simplement puéril comme argument.
Seriez-vous pour une éventuelle rallonge de la transition?
Il n’est pas opportun de prolonger la transition. Le délai imparti est largement suffisant pour que ces élections soient organisées dans les délais et qu’on sorte de cette situation non constitutionnelle. Tout doit être mis en œuvre en vue du respect du calendrier.
Mais jusque-là les moyens nécessaires à l’organisation de ces élections ne sont pas encore réunis ?
Je crois que c’était l’une des raisons du voyage du président Michel Kafando à Paris. Mais personnellement je crois que cette question peut facilement être résolue. La communauté internationale a besoin d’être rassurée qu’elle n’investit pas dans une élection qui va déboucher sur une crise. Si ces assurances sont données aux partenaires, le budget sera bouclé dans les jours qui suivent. C’est un principe connu de tous.
Il y a une autre question qui divise les Burkinabè, c’est la dissolution ou non du Régiment de sécurité présidentiel (RSP). Quelle est votre position sur ce débat ?
Je ne vois pas l’opportunité de la dissolution du RSP. C’est un corps d’élite. Et on ne va pas pour des humeurs d’un groupe d’individus compromettre la sécurité intérieure et extérieure du Burkina Faso. Je milite pour une redéfinition des missions de ce régiment et même pour un changement de la dénomination. De toutes les façons le prochain président va devoir créer ce corps d’élite pour la sécurité du pays et cela coute vraiment chère
Quelle alternative prévoyez-vous pour le vote de la diaspora pour 2015 ?
Nous avons un plan «B» pour nous faire entendre lors des élections à venir. Nous avons beaucoup qui sont rentrés se faire enrôlés. Ceux-là iront battre campagne pour leur candidat. Mais il y a aussi le plan «C» qui consiste à donner des consignes de vote depuis la diaspora. Nous avons des familles entières qui vivent au Burkina grâce à notre contribution depuis la Côte d’Ivoire. Nous allons leur donner des consignes de vote. Je ne livrerai pas tous les détails dans cet entretien mais nous travaillons dans la discrétion.
Comment réussir une bonne stratégie quand les leaders de la communauté se livrent à des querelles interminables, depuis les vieux jusqu’aux jeunes ?
C’est une triste réalité mais je dis que les jeunes gagneraient à s’entendre sur l’essentiel. Et pour moi l’essentiel c’est leur avenir. Les parents ont plus ou moins réussi leur vie. Mais eux (les jeunes) est-ce dans les divisions qu’ils vont s’illustrer ? Le faisant que laisseront-ils à leur tour à leurs petits frères. Mais pour dire la vérité, beaucoup de ces jeunes sont encore manipulés par les politiciens. Je préconise qu’il y ait des états généraux de la chancellerie.
Qu’entendez-vous par états généraux de la chancellerie?
Ces états généraux vont consister à comprendre les missions de l’ambassade et des consulats généraux et honoraires. La place et le rôle des délégués au Conseil supérieur des burkinabè, des délégués consulaires et autres associations devraient être expliquées. Cela me semble nécessaire pour un nouveau départ. Nous allons proposer que des personnes ressources de la communauté soient recrutées au poste de vice-consul par exemple et bien d’autres postes. On ne peut pas continuer de nous parachuter des gens qui viennent toujours du Burkina et ignorer les compétences de la communauté sur place. Je milite en tout cas pour que ces nominations soient revues. Il en va également de l’assemblée nationale, la diaspora doit y avoir des représentants.
Il y a quatre ans vous faisiez partir d’un comité qui devrait organiser sur Ouaga un voyage d’hommage à Blaise Compaoré. Finalement le voyage n’a jamais eu lieu. Si ce n’est pas indiscret peut-on savoir où sont passés les 25 millions qui devraient servir à ce voyage?
Il était acquis que la diaspora se rende à une certaine époque à Ouaga pour dire de vive voix merci au Président Compaoré pour son implication dans la recherche de solution à la crise ivoirienne. Un comité d’organisation avait en effet été mis en place et j’en faisais parti. J’étais précisément dans la commission transport et logistique. Il fallait trouver des fonds, et il y a eu des particuliers qui ont mis à notre disposition la somme de 25 millions. Le voyage n’a finalement pas eu lieu, c’est vrai mais j’avoue que je ne sais pas personnellement où cet argent est passé. Le président du comité d’organisation El Hadj Kindo Issaka m’a confirmé que l’argent se trouve dans les caisses du Consulat Général d’Abidjan.
Depuis quatre ans?
Je m’en tiens à ce qu’il m’a dit.
Propos recueillis par Jean François Fall