@Informateur- Dans une lettre ouverte dont nous avons reçu copie, le journaliste écrivain Burkinabè, Adama Ouédraogo alias Damiss interpelle le président ivoirien, Alassane Ouattara sur son leadership dans la lutte contre le terrorisme. Il exhorte le numéro 1 des ivoiriens à plus d’engagement et plus d’initiatives au-delà de la Côte d’Ivoire. Ci-dessous la lettre ouverte.
Votre beau pays, la Côte d’Ivoire, n’est pas seulement une puissance économique et financière en Afrique de l’Ouest. Elle est aussi une puissance politique eu égard à votre leadership incontesté et incontestable dans la sous-région. Vous êtes aujourd’hui l’un des chefs d’Etat les plus influents de l’Afrique occidentale, voire de l’Afrique. Votre pays occupe une place de choix sur l’échiquier mondial et votre voix compte dans le concert des Nations. C’est au regard de tous ces éléments que nous avons choisi de nous adresser à vous pour solliciter de votre très haute bienveillance la mobilisation des dirigeants de l’Afrique et du reste du Monde pour se pencher sur la crise sécuritaire qui secoue le Sahel et remet sérieusement en cause les acquis démocratiques. L’un des drames de l’Afrique, c’est qu’on laisse toujours le mal s’installer avant de venir jouer aux pompiers ou faire le médecin après la mort.
Nous savons que vous êtes très imprégné des questions sécuritaires et que vous y êtes très sensible. Vous savez mieux que quiconque les enjeux de l’économie, dans un contexte d’instabilité et de menace perpétuelle, sur la sécurité des pays, des personnes et des biens.
Il y a quelques mois, on a assisté à la descente aux enfers du Mali et laissé le Président Ibrahim Boubacar Keita se débattre seul jusqu’à son renversement par les militaires. Cette même attitude a été observée pour Monsieur Roch Marc Christian Kaboré : son pouvoir a fini par être victime d’un coup de force. Certes dans l’un ou l’autre cas, on ne peut occulter la responsabilité individuelle et personnelle des deux chefs d’Etat, qui ont fait preuve d’une mauvaise gouvernance politique et économique, mais force est de reconnaître que leur échec est collectif ; il est la résultante de l’incapacité de la classe politique à s’unir pour sauver l’essentiel, de l’impuissance des forces armées nationales dépourvues de moyens logistiques et minées par la corruption et les dissensions, de l’incurie des acteurs de la société civile et de l’indifférence des dirigeants de la sous-région et plus généralement de l’Afrique.
Aujourd’hui, le Mali et le Burkina Faso, après avoir investi des milliards dans l’organisation d’élections générales, se retrouvent dans une situation de transition politique dirigée par de jeunes officiers. Le bémol est que ces militaires à la tête des deux pays sont animés d’une réelle volonté de combattre l’hydre terroriste malgré l’adversité politique et les éventuelles sanctions de la CEDEAO qui pèsent sur eux.
Pour le cas du Burkina Faso, le Président du Faso, Son Excellence Paul–Henri Sandaogo Damiba, manifeste la volonté de faire face aux groupes armés. Mais tout cela ne saurait suffire car le phénomène terroriste est véritablement ancré dans la société burkinabè, avec des complicités à différents niveaux, ce qui rend la lutte très complexe.
Au Niger, le chef de l’Etat, Son Excellence Mohamed Bazoum, et son armée abattent un boulot incommensurable. Résultat : les terroristes n’arrivent pas à occuper durablement des zones, mais font très souvent des incursions meurtrières sur le territoire nigérien.
Son Excellence Assimi Goïta, Président de la République du Mali, malgré les sanctions de la CEDEAO et la crise diplomatique entre son pays et certains partenaires bilatéraux sur fond de surenchère politique et économique, parvient tant bien que mal à obtenir des avancées notables. Toutefois, les populations maliennes souffrent des sanctions imposées par la CEDEAO et la cherté de la vie est en passe de devenir un casse-tête pour elles.
Ces trois pays en proie au terrorisme ont besoin de soutiens multiformes et sincères pour pouvoir, à défaut de bouter les groupes armés hors de leurs frontières, au moins réduire considérablement leur capacité de nuisance afin que l’économie locale puisse tourner et que les personnes déplacées internes soient en mesure de retourner dans leurs villages d’origine.
Si rien n’est fait, les groupes armés terroristes pourraient avancer dangereusement vers le Golfe de Guinée. En effet, en suivant l’actualité ces dernières semaines, on peut craindre que dans quelques mois les terroristes, qui ont perpétré à ce jour plusieurs attaques au Bénin et au Togo, intensifient leurs actions pour faire des pays côtiers leur nouvelle zone d’expansion. La Côte d’Ivoire a déjà connu les premières salves de ces forces obscurantistes sur son sol, même si très rapidement le gouvernement ivoirien, sous votre leadership, a pris des dispositions pour limiter les dégâts. Mais la menace est toujours à vos portes. Quand un cancer commence à attaquer un corps, il faut vite le circonscrire pour éviter qu’il se métastase. Quand la case du voisin brûle, il faut lui apporter de l’eau pour l’aider à éteindre l’incendie. Et c’est maintenant qu’il faut agir pour éviter que l’incendie qui se propage devienne un grand feu de brousse pour les autres pays.
Certes, la coopération entre les Etats se renforce sur le plan sécuritaire dans le cadre de la lutte anti-terroriste mais d’autres actions fortes sont nécessaires. C’est pourquoi nous voudrions vous demander, Excellence Monsieur le Président de la République de Côte d’Ivoire, de prendre votre bâton de pèlerin pour mobiliser la communauté internationale afin qu’elle s’engage résolument dans la lutte contre le terrorisme car jusque-là, les populations ne sont pas convaincues de l’accompagnement des institutions internationales et des grandes nations, beaucoup plus préoccupées par leurs seuls intérêts.
Nous voudrions que vous soyez le coordonnateur et le chef de file d’une mobilisation générale dans la lutte contre le terrorisme en Afrique de l’Ouest. On a toujours pensé que telle ou telle activité criminelle était difficilement possible dans tel pays ou dans tel contexte jusqu’à ce que cela arrive. Qui aurait imaginé que le pays des hommes intègres, jadis un îlot de paix et de stabilité, deviendrait en seulement quelques mois une géhenne terroriste quotidienne pour de paisibles populations?
Si les groupes armés parviennent à étendre leurs tentacules et à s’installer durablement au Togo, au Bénin, au Ghana et en Côte d’Ivoire, c’est toute la sous-région qui s’écroulera comme un château de cartes.
Nous vous suggérons comme actions fortes, dans un premier temps, d’aider le peuple frère et ami du Mali à faire face aux nombreux obstacles qui se dressent devant les autorités de la Transition. Votre homologue de la République du Togo, Son Excellence Faure Gnassingbé, est le médiateur sollicité par Bamako et votre appui pourrait grandement contribuer à la recherche de solutions pour une sortie rapide de la crise.
Dans un second temps, votre combat doit consister à œuvrer à la création d’un fonds spécial de plusieurs milliards de francs F CFA pour soutenir tous les pays en proie à l’hydre terroriste. Ce fonds sera alimenté par des Etats, des organisations internationales et des donateurs. L’argent ainsi réuni ne sera pas mis directement à la disposition des États mais sera décaissé en fonction des besoins de chaque pays en achat d’armement et d’équipements dans le cadre de la lutte contre les groupes armés.
La procédure d’achat de l’armement est complexe et votre plaidoyer permettra, sans nul doute, de faciliter le mécanisme d’acquisition de matériel de qualité au profit de nos armés. Aussi, qu’il vous plaise d’œuvrer à faire en sorte que les forces spéciales et les unités d’élite anti-terroristes des pays de la sous-région viennent en appui aux États en proie aux attaques terroristes.
Nous demeurons convaincus qu’une telle initiative, sous votre leadership, bénéficiera du soutien des partenaires au développement de tous ces pays menacés par les groupes armés terroristes.
Tout en vous remerciant pour votre compréhension, nous vous prions, Excellence Monsieur le Président de la République de Côte d’Ivoire, d’agréer l’expression de notre très haute considération.
Adama Ouédraogo, dit Damiss
Journaliste et écrivain