‘@Informateur.info- Ses prédécesseurs, notamment l’ex-ambassadeur Emile Ilboudo (1995-2011) avait dû gérer beaucoup de faits dommageables pour la communauté burkinabè en Côte d’Ivoire. Le contexte délétère des différentes crises vécues par le pays hôte ayant parfois fait du Burkinabè un bouc-émissaire. Toujours est-il que lorsque nous lui avions remonté, en 2011, à l’occasion d’une interview qu’il nous a accordée, le fait que ses compatriotes se sentaient abandonnés du fait de son silence face aux violations quotidiennes de leurs droits, Emile Ilboudo s’en est défendu. «Renseignez-vous, le Ministère des Affaires Etrangères de la République de Côte d’Ivoire vous confirmera que notre chancellerie bat le record en nombre de Notes de protestations (…)», avait-il réagi.
L’homme nous avait ensuite pratiquement priés de lui donner raison à ne pas trop parler. Nous avions alors compris que son silence n’était pas synonyme d’abandon. Ecœuré par ce que vivait sa communauté dans les rues d’Abidjan et à l’intérieur du pays, sans défense, nous avions un moment perdu de vue que les diplomates sont astreints au droit de réserve et que les règles en la matière ne leur autorisent pas à tenir des meetings pour dénoncer les maux.
En poste aux bords de la lagune Ebrié depuis 2016, l’Ambassadeur du Burkina Faso en Côte d’Ivoire, Mahamadou Zongo, 58 ans (le 26 août prochain) ne fait pas autre chose. Le contexte est, certes, nouveau et le Traité d’Amitié et de Coopération signé le 29 juillet 2008 entre les deux Etats, en cours de consolidation, offre plus de leviers pour le raffermissement des relations bilatérales. Mais ce dispositif institutionnel ne doit pas faire perdre de vue le travail de veille.
C’est le sens de la sortie médiatique de Mahamadou Zongo, le 28 mai dernier lorsqu’une vidéo circulant sur les réseaux sociaux a tenté de présenter « les Burkinabè comme la source des problèmes de la Côte d’Ivoire et invite les Ivoiriens à considérer la communauté burkinabè comme leur véritable ennemi ». L’auteur de la vidéo avait, nommément, cité une personnalité présentée « comme un Mossi qui se mêlerait des affaires politiques » de la République de Côte d’Ivoire.
Une incitation à la haine que l’Ambassadeur Mahamadou Zongo, natif de Bouaflé (centre ouest ivoirien) n’a pas laissé passer. Surtout que pareille ineptie avait eu quelques jours auparavant comme conséquence d’avoir livré la communauté nigérienne à la vindicte populaire. Mahamadou Zongo s’est alors insurgé dans un communiqué, repris par la presse ivoirienne et burkinabè contre des «accusations» portées à tort contre ses compatriotes, précisant que « les Burkinabè ne se mêlent pas des questions politiques ivoiriennes », et déplorant une fois encore « l’insidieux amalgame fait entre patronyme, ethnie et nationalité dont la finalité est de stigmatiser toute une communauté et jeter d’innocentes personnes en pâture ».
Pour le coup, il faut saluer la réactivité et la fermeté de l’ex- maître de conférences en sociologie de l’Université Ouaga I Joseph Ki Zerbo, qui ne s’accommode pas depuis sa prise de fonction des amalgames ni du désordre. Lui qui a surtout dans la vision d’une meilleure gestion de la diaspora burkinabè en Côte d’Ivoire institué des rencontres trimestrielles entre l’Ambassade et les Consuls généraux du Burkina à Abidjan, à Bouaké et à Soubré.
Rappelons que dans un précédant communiqué publié le 27 août 2020, le diplomate avait déjà tiré la sonnette d’alarme sur les amalgames entre nationalité et patronymes qui ont régulièrement cours sur les réseaux sociaux. Conscient qu’il faut parler à la fois «au chien et à l’os», Mamadou Zongo n’hésite pas à rappeler à ses compatriotes l’obligation de réserve qu’ils doivent avoir vis-à-vis de la politique ivoirienne.
Au plan administratif des décisions ont également été prises concernant la chefferie et la multitude d’associations burkinabè en Côte d’Ivoire appelées à une mise à jour. Ce, en vue d’une meilleure collaboration entre celles-ci et la Représentation diplomatique et consulaire.
Ces mesures et bien d’autres, sont-elles toujours comprises par tous? Pas si sûr. Mais elles semblent de toute évidence jeter les bases d’une autre manière de faire, de gérer la communauté et de vivre l’intégration burkinabè en Côte d’Ivoire dans le respect des principes.
Jean-François FALL