@informateur- Dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002, des assaillants puissamment armés attaquent plusieurs points stratégiques d’Abidjan, dont le camp de la gendarmerie nationale d’Agban, les écoles nationales de gendarmerie et de la police. Les résidences de personnalités militaires et politiques sont visées à l’arme lourde. Cependant, la capitale économique n’est pas la seule ville à être agressée. De manière simultanée, des attaques similaires sont menées dans le nord du pays, notamment à Bouaké et à Korhogo.
Dans la matinée du 19 septembre, malgré le calme apparent, le pays est groggy et le bilan est lourd : à Abidjan, le ministre d’Etat, ministre de l’intérieur, Emile Boga Doudou a été exécuté par les agresseurs ; le général Robert Guei, soupçonné d’être un des commanditaires de l’attaque, a été tué dans des circonstances non encore élucidées. Marcellin Yacé, musicien ivoirien, est assassiné par ceux qu’on n’appelle pas encore des rebelles, alors qu’il rentre de son studio d’enregistrement et les victimes anonymes, des citoyens ordinaires piégés au mauvais endroit au mauvais moment, sont nombreuses.
A Bouaké, de nombreux officiers et sous-officiers de la gendarmerie, des policiers ont été exécutés. Au total 270 personnes militaires et civiles périssent dans l’attaque et 300 autres sont blessées. Malgré l’âpreté des combats, la faiblesse de leurs équipements, et de nombreuses pertes en vies humaines, les forces de défense et de sécurité (FDS) de Côte d’Ivoire ont réussi à repousser les assaillants qui se replient dans le Nord du pays. Abidjan reste sous contrôle gouvernemental. Pour la première fois de son histoire, l’unité du pays vacille et semble brisée. La France, après avoir refusé l’application des accords de coopération militaire signés en 1961, s’empresse d’obtenir un mandat du Conseil de Sécurité des Nations Unies qui lui permet d’interposer ses troupes stationnées en Côte d’Ivoire, le 43e BIMA, entre le Sud et le Nord empêchant les forces gouvernementales d’aller en découdre et consacrant une partition effective du pays qui persistera pendant 8 ans. L’occupation du nord par les rebelles et leurs pratiques jettent sur les routes de l’exil interne et dans les pays limitrophes, plusieurs centaines de milliers d’ivoiriens ordinaires victimes d’arbitraire. Ces déplacés et exilés laissent tout derrière eux: leurs maisons – qu’occupent les chefs rebelles – leurs voitures, leurs biens, et souvent même une partie de leur famille, les trop vieux, les malades qui ne peuvent pas marcher plusieurs centaines de kilomètres le baluchon sur la tête. De nombreuses vies sont brisées et des familles dispersées.
Dans la zone gouvernementale, la solidarité nationale se met en place pour accueillir les déplacés. Chacun vient avec ce qu’il peut pour soulager les douleurs de ceux qui souffrent de la guerre. Dans la zone CNO (Centre Nord-Ouest), les rebelles créent leurs organisations et prélèvent des impôts et taxes sur les populations et les activités économiques (le transport, le cacao, le coton) et au passage cambriolent plusieurs agences de la banque centrale (BCEAO), s’emparant de milliards de francs CFA de butin.
La crise s’installe dans la durée. Elle a de graves conséquences dont certaines perdurent à ce jour. Elle a plongé la Côte d’Ivoire dans une période de troubles et de conflits intérieurs pendant 8 ans. Les accords de l’humiliation, pudiquement appelés accords de paix, sont finalement signés en janvier 2003 à Marcoussis, en France. Ils ne résolvent rien sur le fond et visent simplement à mettre la rébellion sur le même pied d’égalité que les autorités légitimes. Bien évidemment, les tensions politiques et ethniques perdurent pendant de nombreuses années.
Le 19 septembre 2002, reste une profonde déchirure dans le tissu social et politique ivoiriens, une cicatrice et une marque indélébiles dans la conscience collective. Cet évènement a ouvert une brèche dans la cohésion nationale et offert une légitimité aux revendications armées à tout va pour tous ceux qui se sentent insatisfaits quelle qu’en soit la raison.
Signé : ttmk, publié pour la première fois le 19 septembre 2023
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