Les lecteurs assidus de l’infernal quadrupède se souviendront certainement avoir lu dans ses colonnes un article sur les étranges tractations qui avaient lieu au sommet de la CEI (Commission Electorale Indépendante), au sujet de l’appel d’offres devant permettre la sélection d’une entreprise pour la révision de la liste électorale.
Nos lecteurs se souviendront avoir lu que l’Institut National de la Statistique, associé à un groupe français, avait soumissionné et, au regard de la qualité de son offre, était en droit d’espérer obtenir ce juteux marché. Mais c’était sans tenir compte de la gourmandise légendaire de Sidy Kagnassi et de son groupe Morpho (ex-Sagem) qui tenait coûte que coûte à rafler tous les gros marchés dans ce pays en s’appuyant sur ses solides relations avec quelques têtes d’huile au sommet de l’Etat ivoirien.
Comme « L’Eléphant » l’avait prédit, c’est Sidy Kagnassi qui a encore raflé le jackpot de la révision de la liste électorale, une opération qui est un véritable échec au regard du nombre de personnes attendues (environ 3 millions) et sur la base duquel, la facture a été établie. Chacun sait qu’au final, c’est à peine 400 mille nouvelles personnes qui se sont retrouvées sur la nouvelle liste électorale.
Colère des concurrents
Les conditions dans lesquelles ce marché a été attribué au groupe de Kagnassi continuent d’horrifier les concurrents qui pensaient tenir le bon bout et qui, pour exprimer leur mécontentement devant la façon dont les choses se sont déroulées, ont saisi l’Autorité de Régulation des Marchés Publics d’une requête fort embarrassante et qui, manifestement, n’a pas reçu de réponse satisfaisante.
«L’Eléphant» qui a étendu sa trompe pour vérifier certains éléments troublants contenus dans cette requête, s’étonne de voir que l’Autorité de Régulation n’ait pas réagi, du moins officiellement.
En effet, dans la requête introduite par le partenaire de l’INS, l’on peut lire, entre autres chose, les passages suivants : « 6/ Offre financière : la rumeur médiatique (« L’Eléphant Déchaîné NDLR) n’a pas manqué de souligner à juste titre, le caractère stupéfiant de la différence de prix entre les deux offres. L’offre de Morpho (22 milliards CFA) s’élève à plus du double de celle de l’INS (10 milliards CFA) alors que les budgets relatifs à ce type de prestations sont connus et reconnus par la Communauté internationale et se situent dans une fourchette de 3 à 5 Euros par personne identifiée, soit une enveloppe de 6 à 10 milliards CFA à prévoir, pour une population cible estimée à 3 millions de nouveaux requérants. Le Code des marchés Publics traite de cette question des offres anormalement basses ou anormalement élevées, en son article 73, qui stipule que, dans le cas d’espèce, il faut procéder à des investigations, en vue de les justifier… » S’émeut le partenaire de l’INS. Pas la peine d’investiguer, apparemment, puisque la population cible de 3 millions de personnes à identifier et qui aurait justifié la facture de Morpho n’a été retrouvée nulle part. Sans doute la CEI va sortir un communiqué pour donner aux Ivoiriens le montant qui a été ou qui sera versé à Morpho en raison de cette situation.
Mais continuons à parcourir la requête des mécontents.
«7/ Adjudication : Nous n’avons pas reçu de notification officielle concernant le résultat de la procédure d’attribution des marchés, alors que Monsieur Youssouf Bakayoko, président de la CEI, a réceptionné du matériel de notre compétiteur, la société Morpho, à l’aéroport Félix Houphouët-Boigny le 13 mai 2015… »
Voilà qui est embêtant. Car, et «L’Eléphant» a pu le vérifier, le marché n’a été officiellement approuvé que le 15 mai 2015. Sidy Kagnassi et son groupe savaient donc qu’ils avaient obtenu le marché avant même son attribution officielle ? Il n’y a rien de mieux pour renforcer la confiance des opposants dans l’indépendance de la CEI et de son président.
Mais poursuivons avec la requête des mécontents : «Dans le même ordre d’idées, nous notons que nous n’avons reçu aucune réponse aux deux courriers de notre partenaire de Consortium, l’INS, demandant que nous soient indiquées respectivement les raisons qui justifient de tels écarts, qu’il s’agisse de la note technique ou de l’enveloppe financière…» C’est que pour répondre à un courrier à la CEI, il en faut du temps. Et quand il s’agit de deux courriers, il ne faut pas rêver. Surtout quand les arguments à développer dans ces réponses sont difficiles à trouver en raison de la transparence qui a entouré le processus d’attribution du marché à Morpho.
Il faudra bien qu’un jour, l’on explique aux Ivoiriens pourquoi, tant sous le régime Gbagbo que sous le régime Ouattara, tout le monde se plie en quatre dès que Sidy Kagnassi émet le moindre sanglot.
Les Ivoiriens se souviennent que ne connaissant rien au BTP, il a quand même obtenu le marché de rénovation des universités publiques. On connaît la suite. Près de 200 milliards engloutis dans une rénovation qui a rendu les universités encore plus démunies qu’avant la rénovation. Ce ne sont pas les enseignants et étudiants qui crient à l’arnaque qui diront le contraire…
In L’Eléphant déchaîné n°374