Colère des tunisiens qui reprochent à la police de passer son temps à faire la chasse aux non-jeuneurs en période de ramadan au lieu de traquer les terroristes.
Ce n’est pas la première fois que Sousse, à 140 kms de Tunis, haut lieu du tourisme tunisien, est ciblé par des attaques terroristes. Le 2 août 1987, des dissidents du Mouvement de la tendance islamique (MTI), parti qui donnera naissance plus tard à Ennahdha, commettent un double attentat contre quatre hôtels (deux à Sousse et deux à Monastir) faisant plusieurs dizaines de blessés. Fin octobre 2013, Sousse, un terroriste se fait exploser sur la plage à proximité de l’hôtel Riadh Palms, tandis qu’à Monastir, la police déjoue à temps un attentat visant le mausolée de Habib Bourguiba, père de l’indépendance tunisienne. Et moins de trois mois après l’attaque du musée du Bardo de Tunis qui avait fait 24 morts le 18 mars dernier, à la veille du Forum social mondial (FSM), Sousse, pour la troisième fois, est l’objet d’une attaque djihadiste. Et comme pour le musée du Bardo, ce sont les touristes européens qui ont été ciblés. Il y avait plus de 560 clients étrangers dans l’hôtel Imperial Marhaba et le bilan est plus lourd : 37 morts, majoritairement britanniques (il y a aussi des allemands et des belges), et plusieurs dizaines de blessés dont une douzaine dans un état jugé critique.
Selon des témoignages recueillis par l’Humanité, les terroristes seraient arrivés sur les lieux de l’attentat par mer, en zodiak. Ils étaient en bermuda, coiffés de casquettes, munis de fusils d’assaut kalachnikovs cachés dans des parasols. D’autres sources affirment que l’un des terroristes est arrivé à bord d’un scooter de mer. Après avoir tiré sur les touristes qui se trouvaient sur la plage, ils ont pénétré dans l’hôtel ouvrant le feu sur les touristes attablés et sur ceux qui se trouvaient au bord de la piscine, avant que la police n’intervienne, abattant l’un des assaillants, et faisant prisonnier un autre homme, un étudiant d’après la police, originaire de Kairouan. Combien étaient-ils ? Deux, trois ou plus ? Toujours est-il que le mode opératoire rappelle celui des frères Kouachi : sur l’une des vidéos diffusées sur la toile, l’un des terroristes, arme à la main, demandait aux curieux d’aller voir ailleurs !
L’hôtel attaqué, l’Imperial Marhaba, géré par une société espagnole, appartient en faità Mme Zohra Driss, députée de Nida Tounès, le parti au pouvoir. Même la clinique des Oliviers où sont soignés plusieurs blessés lui appartient. Ceci explique peut-être cela : « le personnel politique tunisien est en grande partie originaire de Sousse » confie à l’Humanité un ami tunisien.Autrement dit, les terroristes ont frappé un symbole à la fois politique et touristique.
Les autorités sont consternées. Après l’attentat du Bardo et la solidarité internationale qui s’était exprimée, le gouvernement tunisien croyait avoir fait le plus dur. La sécurité avait été renforcée. Mieux, contrairement à l’Algérie où le ministère des Affaires étrangères français déconseillait aux ressortissants français de se rendre sauf pour raisons professionnelles, la Tunisie tout comme le Maroc ne sont pas considérés comme des zones à risque. François Hollande, qui s’était rendu au Bardo, n’avait-il pas appelé les français à visiter la Tunisie ? Fort de ce soutien, les autorités tunisiennes s’attendaientà un regain du tourisme. Aussi, passée la tragédie du Bardo, ont-elles sans doute sous-estimé la menace terroriste alors que dans la Libye toute proche, l’Etat islamique marque des points, étend son emprise et menace la Tunisie. Le président Béji Caïd Essebsi, qui s’est rendu sur les lieux, a annoncé que l’agrément accordé au parti salafiste Hizb Tahrir sera réexaminé. Et selon, certaines sources, les autorités vont interdire aux moins de 35 ans de quitter le territoire national.
« Les tunisiens ressentent une grande peine, car la fin juin, c’est le début de la haute saison touristique. On n’a pas cessé d’avertir le gouvernement de tirer les leçons de l’expérience algérienne en période de jeûne du mois de ramadan » dit Tahar Chegrouche, membre du Front populaire. « Mais depuis le mois de jeune du ramadan, au lieu de traquer les djihadistes, d’assurer la sécurité, notre police passait son temps à faire la chasse aux non-jeuneurs et aux femmes en « tenue légère », à fermer les cafés qui servaient à boire à ceux qui n’observent pas le jeune . Voilà à quoi s’occupait notre police, aux mœurs, pas aux terroristes» déplore-t-il. Selon lui, « les autorités sont complètement dépassées ». Même tonalité pour Kamel, un universitaire en colère : « C’est effrayant, je suis en colère et inquiet (…) l’Etat islamique (EI) est juste à côté en Libye, il dispose de relais en Tunisie et n’a pas cessé de proférer des menaces. Et que fait-on, et bien, on fait la chasse aux non-jeuneurs comme chez nos voisins algériens. On préfère donner des gages aux islamistes dit modérés. Le résultat, vous le voyez ! La saison touristique est foutue ! » Et en effet, des tours opérateurs ont annulé les réservations prévues et plusieurs compagnies charters ont suspendu, jusqu’à nouvel ordre, leurs vols vers la Tunisie.
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