Siaka Coulibaly n’est plus à présenter au Burkina Faso et même au-delà des frontières du pays des Hommes Intègres. Juriste de formation, il n’en demeure pas moins un grand analyste averti des questions burkinabè. Dans un contexte de commémoration du putsch du 16 septembre 2015 et de l’insurrection d’octobre 2014, l’homme a bien voulu, sans détour, se prêter aux questions de La Générale de Presse. Interview.
LGP : M. Siaka Coulibaly, et si l’on commençait par une présentation à nos lecteurs?
Je suis de formation juridique, j’opère, au Burkina Faso, en Afrique et dans le monde dans la société civile comme activiste de la gouvernance politique et des droits humains et aussi comme analyste politique dans les médias. D’entrée, je dois dire qu’au vu de la situation actuelle du Burkina Faso, il serait coupable de pratiquer la langue de bois. Les problèmes du pays doivent être posés avec clarté et les responsabilités situées. Aucun leader digne de ce nom ne doit se compromettre dans les appréciations et soutenir des amis au détriment des intérêts du pays.
LGP : Le 16 septembre 2015, une prise d’otage de l’exécutif de la transition se muait quelques heures plus tard en un coup d’Etat dirigé par le général Gilbert Diendéré. Comment avez-vous vécu ces heures chaudes de l’histoire récente du Burkina Faso ?
S.C : Le coup d’Etat est arrivé alors que j’étais à l’extérieur du pays, j’étais en formation à Genève en ce moment. J’ai dû suivre les événements de très loin, par médias interposés. Étant très intéressé aux questions de gouvernance politique je suivais minute par minute l’évolution de la situation jusqu’au dénouement final, quelques jours après la proclamation du Conseil National pour la Démocratie.
LGP : Selon vous, ce pronunciamiento était-il justifié ?
S.C : Cette question est très importante pour l’histoire politique du Burkina Faso, autant que le départ de Blaise Compaoré du pouvoir. Au moment du coup d’Etat, beaucoup de personnes au Burkina Faso et à l’extérieur ont considéré cette opération comme totalement injustifiée du fait de la proximité des élections de fin de transition. On a même entendu l’expression de coup d’Etat le plus bête de l’histoire. Avec le recul, je pense également qu’aujourd’hui, beaucoup de personnes n’ont plus la même perception de ce qui est arrivé.D’une manière générale, un coup d’Etat n’est jamais le bien venu, en particulier quand le pays se trouve dans un processus de démocratisation. Dans le cas du coup de septembre 2015, de graves actes avaient été posés par les autorités de la transition, qui remettaient en cause les fondements mêmes non seulement de la démocratie, mais aussi de l’Etat lui-même. En amont des décisions de la transition, parmi lesquelles on peut mentionner la modification des règles d’avancement dans l’armée qui a mis celle-ci en ébullition et l’exclusion d’une partie de la classe politique des élections, se trouvent les événements d’octobre 2014 qui ont conduit Isaac Y. Zida au pouvoir. Il avait été imposé par le RSP au Chef d’État-Major de l’époque, le général Honoré Traoré, mais aussi à la classe politique et aux forces vives de la nation. Le Burkina Faso, par cette prise de pouvoir, était revenu aux années quatre-vingt avec la présence de militaires au pouvoir. Toute la transition a été prise en otage par le conflit entre Zida, l’ex-premier ministre et son corps d’origine, avant et après le putsch. Après les révélations sur la gestion financière de la transition faites par le chef de l’Etat Roch Kaboré et surtout après la signature par lui le 12 septembre 2016 d’un ordre de poursuite contre Isaac Zida, le coup d’Etat de septembre 2015 parait aujourd’hui moins insensé qu’on aurait pu le penser. On peut se demander pourquoi les dénonciations contre l’ex-premier ministre seraient justifiées aujourd’hui et pas sa prise en otage par le RSP ? En réalité, le putsch n’était pas un coup d’Etat classique de prise du pouvoir. Selon mes propres investigations auprès de certains acteurs, il n’y a eu aucune rencontre de préparation du putsch. La vraie raison de l’intervention du RSP est que le conseil des ministres s’apprêtait ce jour-là, à adopter le décret de dissolution du RSP. Quelqu’un a prévenu le RSP et ils ont agi. Plusieurs indices montrent aussi que ce n’était pas vraiment un coup au sens où on le connait au Burkina Faso qui en était à son huitième coup d’Etat depuis l’indépendance (communications libres, pas d’arrestations d’hommes politiques, pas de gouvernement et surtout l’annonce par le général Dienderé le soir du 19 septembre que dès que la CEDEAO aurait trouvé un accord sur la situation, le coup prendrait fin). Il aurait suffi que les manifestants ne dramatisent pas l’événement pour éviter les pertes déplorables en vies humaines et l’affaire aurait été réglée très convenablement. L’on sait que la communauté internationale n’accepte plus les coups d’Etat militaires, depuis celui de Amadou Sanogo au Mali en 2011. En octobre 2014, quand Zida s’était proclamé président de la transition, il lui avait été intimé de remettre le pouvoir à un civil, ce qui fut fait en quinze jours. Lire la suite sur lageneraledepresse.net