Il ne s’est pas beaucoup exprimé depuis le début du putsch. Aujourd’hui, Roch Marc Christian Kaboré sort de sa réserve. Le candidat du MPP – le Mouvement du Peuple pour le Progrès – est l’un des favoris de la présidentielle à venir. En ligne de Ouagadougou, l’ancien président de l’Assemblée nationale burkinabé répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
RFI : Quand le général Gilbert Diendéré déclare « Nous regrettons d’avoir fait ce putsch ». Comment réagissez-vous ?
Roch Marc Christian Kaboré : Il est tout à fait normal qu’il y ait un regret compte tenu de la condamnation au plan international et national qui est intervenue après ce putsch.
Ce sursaut de l’armée régulière contre les putschistes, est-ce que cela n’a pas été une surprise pour vous ?
Ça n’a pas été du tout une surprise parce que, face à la montée de l’opposition du peuple burkinabè, il était tout à fait normal que l’armée régulière se mette également dans la danse. Et cela a permis effectivement de rechercher avec la Cédéao les solutions qui nous permettent aujourd’hui non seulement de réinstaller la transition, dans tous ses organes, et également de faire en sorte d’engager un dialogue national sur les points qui sont les points de préoccupations ou des désaccords entre la classe politique.
Vous parlez du rôle de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) dans cette crise. Beaucoup de vos compatriotes ont été déçus le week-end dernier (19-20 septembre) par les propositions du médiateur sénégalais, Macky Sall, qui leur paraissaient trop favorables aux putschistes ?
Il y a deux points qui étaient des points d’enjeux majeurs. Le premier point, il y avait désaccord dès qu’on nous parle d’une loi d’exclusion, alors qu’il n’y a jamais eu de loi d’exclusion au Burkina Faso. Une loi a été prise par le CNT [Conseil national de transition] qui sanctionne toute personne ayant participé à ce qu’ il y ait la modification de l’article 37 [NDLR: article 37 de la Constitution, qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels], soit parce qu’il était membre du gouvernement, soit parce qu’il était membre du Parlement au moment des faits. Donc je considère que le parti de la majorité, en insistant pour mettre ces personnes qui sont concernées, ont voulu défier la loi. Il leur était loisible de choisir d’autres candidats que les candidats qu’ils ont proposés.
Et le deuxième point ?
C’était l’amnistie pour les putschistes. Et à ce niveau, notre réponse également était claire. Nous trouvions qu’il était déjà même inopportun, alors que les morts n’ont pas encore été enterrés, de commencer à parler d’amnistie. Et nous avons dit que nous ne pouvions pas enjamber les cadavres pour signer un accord politique. Il faut quand même qu’il y ait la justice qui soit rendue en ce qui concerne le coup d’Etat.
Alors aujourd’hui sur le point de l’inclusion éventuelle des pro-Compaoré, qu’est-ce que vous proposez ?
Nous rentrons dans une zone de concertations et je ne voudrais pas comme on dit chez nous régulièrement « Devancer l’iguane dans l’eau », mais je voudrais simplement dire que probablement si nous nous asseyons autour d’une table, certainement que nous trouverons des solutions pour avancer sur ce point en particulier.
Et sur la question de l’amnistie, certains évoquent une amnistie ciblée. C’est le cas de Ablassé Ouédraogo, également candidat à la présidentielle ?
Ciblée ou pas. Pour nous, nous pensons tout simplement que ce qui est important aujourd’hui, c’est d’abord conformément à ce que la Cédéao a demandé que évidemment au niveau du RSP [Régiment de sécurité présidentielle], les armes soient déposées. Deuxièmement, nous considérons que l’armée républicaine doit prendre toutes les dispositions pour sécuriser les militaires du RSP et de leurs familles. Ce sont les premières mesures qui me semblent les plus urgentes. Après nous discuterons du reste. Mais ce que je dis simplement, nous ne pouvons pas laisser impunis les morts qu’il y a eus.
Est-ce qu’il faut démanteler le RSP ?
J’estime, qu’aujourd’hui après le coup d’Etat, nous devons pouvoir tourner la page du RSP.
Et ce démantèlement du RSP, faut-il le faire dès maintenant ou après l’élection présidentielle ?
Le plus tôt serait le mieux.
La présidentielle était prévue le 11 octobre. Est-ce qu’on peut la tenir d’ici la fin de l’année aujourd’hui ?
Il est impératif qu’on la tienne avant la fin de l’année. Si les problèmes majeurs sont résolus, le souhait en ce qui concerne en tout cas notre parti, c’est que ces élections se tiennent au cours du mois de novembre. Je crois que cela est impératif.
Après une semaine de putsch, est-ce qu’on revient à la case départ ou est-ce qu’il y a quelque chose de changé ?
Ce putsch a permis au peuple burkinabè de prendre conscience que la démocratie est un combat permanent.
Pensez-vous comme beaucoup de vos compatriotes que derrière Gilbert Diendéré, il y avait Blaise Compaoré ces huit derniers jours ?
Je n’ai pas l’état de fait. Mais ce qu’on peut dire déjà, c’est que derrière le RSP, il y avait le Congrès pour la démocratie et le progrès. A ce qu’on sache que le RSP n’est pas un parti politique et n’avait pas de candidat. Donc il n’y avait même pas de raison qu’ils s’immiscent dans la vie politique en ce qui concerne les questions soi-disant d’exclusion ou de ceci-cela. Et c’est pourquoi qu’on est censé penser que évidemment le maître à penser du Congrès pour la démocratie et le progrès ne peut pas dire qu’il n’est pas informé ou qu’il n’est pas au courant de cet état de fait.
Vous qui connaissez bien les deux hommes, vous pensez qu’il y avait complicité ces derniers jours, entre Gilbert Diendéré et Blaise Compaoré ?
En tout cas, je dis simplement que le CDP étant dans la complexité, son mentor ne peut pas être en dehors.
Est-ce que la Côte d’Ivoire a joué un rôle positif ou négatif depuis le début de ce coup d’Etat ?
Je ne peux pas dire si elle a joué un rôle positif ou négatif, je dirais simplement que nous n’avons pas beaucoup constaté la présence à nos côtés pour la solution de ces problèmes. Mais en tout état de cause, ils ont apporté une contribution probablement à la conférence des chefs d’Etat et pour apporter également leur pierre à une solution équitable, efficace pour la paix au Burkina Faso.
Et la France, a-t-elle joué un rôle dans la résolution de la crise ?
La France a une position assez catégorique sur la création du putsch et sur la nécessité de rétablir la transition.
RFI