@informateur- Après des mois de combat, l’armée ukrainienne s’est finalement retirée de la ville d’Avdiïvka dans l’est du pays. «Une décision juste» pour «sauver le plus de vies possibles», a déclaré samedi 17 février le président ukrainien Volodymyr Zelensky à la tribune de la Conférence de Munich sur la sécurité. Quelles sont les conséquences pour l’Ukraine et pour la Russie dans cette guerre qui dure depuis maintenant deux ans ? Les explications du général Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la Revue Défense nationale.
- L’armée ukrainienne n’avait pas d’autre choix que de se retirer d’Avdiïvka ?
Jérôme Pellistrandi : Rester n’avait aucun intérêt sur le plan militaire. Parce que la pression russe était extrêmement importante. La ville est quasiment détruite, 34 000 habitants avant-guerre et il reste à peine 900 habitants qui sont terrés dans les sous-sols. Militairement, il était donc préférable de se retirer quelques kilomètres en arrière, quitte à effectivement laisser la ville aux mains des Russes et en quelque sorte donner une victoire à la Pyrrhus à Vladimir Poutine. L’armée ukrainienne a réussi à retarder pendant de nombreux mois puisque la bataille d’Avdiïvka a commencé en octobre de l’année dernière. Ça a permis d’user énormément les forces russes, mais effectivement, rester sur place aurait signifié des pertes. Sans avoir un gain réel sur le plan tactique. Donc, le nouveau chef d’état-major de l’armée ukrainienne qui vient d’être nommé a pris finalement la décision la plus raisonnable en termes militaires. C’est un retrait tactique qui ne signifie pas pour autant que les Russes remportent une victoire magistrale.
- Est-ce une victoire avant tout symbolique pour la Russie ?
Oui, parce que les Russes vont en réalité conquérir un tas de ruines. Ils avaient déjà essayé en 2014 de s’emparer de la ville, mais ils y avaient échoué. Ce retrait tactique leur permet de planter le drapeau dans un centre-ville complètement détruit et effectivement de servir la propagande poutinienne. Mais une propagande qui finalement n’aura pas beaucoup d’impact en dehors bien sûr de l’opinion publique russe, dont on sait qu’elle est conditionnée par la propagande du Kremlin. La saisie d’Avdiïvka après des mois de combats signifie aussi que l’armée russe a peu de capacité pour exploiter cet avantage. C’est-à-dire que sur un front continu, où certes l’artillerie russe est plus puissante que l’artillerie ukrainienne, le Kremlin n’a pas les moyens de relancer, en tout cas pour les semaines à venir, une offensive majeure, comme il l’avait fait il y a bientôt trois ans.
- Le retrait d’Avdiïvka peut-il aider Volodymyr Zelensky à obtenir davantage de soutien de la part de ses alliés occidentaux?
Oui, et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Volodymyr Zelensky se retrouve aujourd’hui à la conférence pour la sécurité de Munich, ce grand rendez-vous extrêmement important sur le plan stratégique où de nombreux leaders occidentaux se retrouvent. Et il a besoin d’avoir plus de munitions. C’est la raison pour laquelle hier, il a signé un accord bilatéral de sécurité avec la France. Parce qu’il en a besoin pour les semaines et les mois à venir afin de tenir sur la ligne de front et en attendant un éventuel changement sur le terrain. Mais pour le moment, le plus important, c’est de tenir dans la durée face à la Russie.
Source : Rfi.fr