‘@Informateur.info- 24 heures après la fermeture des bureaux de vote en Côte d’Ivoire les observateurs de Indigo Côte d’Ivoire ont dressé un rapport de la situation global de la Présidentielle du 31 octobre où ils ont noté, entre autres, que 23% des bureaux de vote sont restés fermés et plus de 391 incidents enregistrés.
- CONTEXTE
Le premier tour de la présidentielle du 31 octobre 2020 s’est déroulé dans un environnement relativement volatile affectant fortement la sérénité du scrutin. En effet, l’observation de long terme du processus politique et électoral, portée par Indigo Côte d’Ivoire (Initiative de Dialogue et de Recherche action participative en Côte d’Ivoire) sur toute l’étendue du territoire national, a relevé de nombreux incidents sécuritaires préélectoraux en lien avec l’appel à la désobéissance civile contre un “nouveau mandat” du Président sortant, et le rejet des candidatures de certains leaders de l’opposition. Cet état de fait a contribué à altérer fortement la cohésion au sein de nombreuses communautés dans diverses localités.
Un nombre important de villes et villages, à travers le pays, ont en en effet été le théâtre de confrontations violentes entre populations d’une part; et entre populations et forces de l’ordre d’autre part. Ce basculement de la violence politique sur le terrain communautaire reste, sans conteste, l’un des principaux facteurs de risque à considérer tout le long de ce processus électoral. Eu égard à ce contexte délétère, le Groupe de plaidoyer a formulé des recommandations visant à exhorter les différentes parties au dialogue et à la concertation, afin de garantir les droits et libertés des militants de chaque tendance politique, notamment le droit de vote et celui de manifester. Hier, samedi 31 octobre 2020, le scrutin présidentiel a été organisé par la Commission Électorale Indépendante (CEI). Comme prévu, le Groupe de plaidoyer PTI, à travers Indigo Côte d’Ivoire, a déployé près de 1000 observateurs pour le monitoring le jour du scrutin.
- MÉTHODOLOGIE
Dans le cadre de son programme, Indigo Côte d’Ivoire a conduit, par le biais du Groupe de Plaidoyer du PTI, une mission d’observation citoyenne à long terme, en déployant 120 observateurs départementaux depuis mars 2020. Ces observateurs formés et accrédités par la CEI ont couvert toute la période pré-électorale, de mars à octobre 2020. Pour observer le scrutin du 31 octobre 2020, Indigo Côte d’Ivoire a recruté, formé et déployé 750 observateurs et observatrices fixes dont 47% de femmes et 63% de jeunes, chargés du suivi des opérations de vote à l’intérieur des bureaux et 120 observateurs mobiles chargés de scruter l’environnement socio-politique et sécuritaire dans lequel se déroule le scrutin. L’observation du jour de scrutin obéit à une méthodologie systématique qui garantit la représentativité des données d’observation à l’échelle nationale. Ce communiqué de presse se fonde sur les rapports de 99% des observateurs Indigo déployés sur le terrain.
- Les observations de la journée
L’élection est le moment où une société se retrouve pour expérimenter et vivre la démocratie; mais le contexte qui a prévalu lors de la journée électorale du 31 octobre 2020 démontre qu’une bonne frange de la population ivoirienne n’a pas vécu ce scrutin dans la quiétude.
Indigo Côte d’Ivoire note que 23% des bureaux de vote à l’échelle nationale sont restés fermés toute la journée. Les troubles observés, notamment les barricades qui ont paralysé certaines zones, les menaces sur les agents de la CEI et les attaques contre des centres de vote ayant mené à la destruction du matériel électoral, sont les raisons de la non ouverture systématique de ces bureaux de vote.
Les agents de la CEI avertis de la menace ont eu recours dans certains cas à la délocalisation des bureaux de vote sans pour autant prendre les mesures nécessaires pour en informer les électeurs. Les districts les plus touchés par les bureaux de vote n’ayant pu ouvrir sont les districts de Goh-Djiboua, Lacs, Lagunes, Sassandra-Marahoue, Yamoussoukro et la Vallée du Bandama.
Le déroulement du vote a également été émaillé par des incidents sécuritaires majeurs. Dans 5% des bureaux de vote les observateurs ont rapporté des cas d’intimidation, de harcèlement ou de violence contre des agents de la CEI. Des attaques contre des bureaux de vote, dont le matériel a été détruit, et des menaces sur la sécurité des agents électoraux ont mené à la fermeture anticipée de ces bureaux avant l’horaire réglementaire. Les observateurs de Indigo ont rapporté que 15% des bureaux de vote ont fermé avant 17h30. Dans 6% des bureaux de vote, le vote a été suspendu avant que le dépouillement et l’annonce des résultats ne puissent s’achever.
1% des observateurs ont affirmé avoir observé des incidents d’intimidation, de harcèlement ou de violence pendant le dépouillement et dans 1% des bureaux de vote, l’observateur Indigo était refoulé du bureau juste avant ou au cours du dépouillement. 2% des observateurs ont rapporté que le dépouillement n’a pas pu avoir lieu à l’intérieur du bureau de vote. Les représentants du candidat RHDP Alassane Ouattara étaient présents lors de dépouillement dans 66% des bureaux de vote, contre 15% pour le candidat indépendant Kouadio Konan Bertin. Conformément à son mot d’ordre, les représentants des candidats de l’opposition Henri Konan Bedie et Affi Nguessan n’étaient pas présents dans les bureaux de vote.
De cette observation citoyenne, il ressort que les zones affectées par la non ouverture systématique des bureaux de vote au cours de la journée constituent un nombre conséquent de l’électorat ivoirien n’ayant pas pu exprimer leur droit de vote ou, pour celles qui ont pu le faire, n’ont pas pu avoir la sérénité nécessaire à l’expression de leur opinion.
Les observateurs du Groupe de Plaidoyer PTI ont également procédé au monitoring des discours de haine et de la désinformation, le jour du scrutin. Ainsi, 116 discours de haine ont été collectés sur 14 groupes, pages et profils, dont 57% proviennent des groupes et 32% des pages individuelles. Les injures et les diffamations trônent toujours dans l’univers des discours de haine. Toutefois, les menaces, ouvertes ou voilées, associées aux incitations aux meurtres et à la révolte révèlent que les protagonistes ont franchi une nouvelle étape dans le passage à l’acte. En effet au moins 2 discours de haine sur 10 ont soit été une menace ou une incitation au meurtre.
Quant à la désinformation en ligne, les observateurs ont relevé une persistance de contenus contextuellement incorrects dont l’objectif visé était de faire croire qu’un fait s’est produit alors qu’il n’en était rien. C’est le cas de la prétendue présence des observateurs de la CEDEAO à Gagnoa et dont les images utilisées se rapportaient plutôt à leur passage au lycée classique d’Abidjan. Une autre tendance observée a consisté à attribuer certains propos mensongers et sans sources à certaines personnalités politiques dont Monsieur Soro Guillaume et Monsieur Mamadou Koulibaly, après la fermeture des bureaux de vote.
En outre, certains supports visuels manipulés, entre autres, des cartographies ont été, selon les obédiences politiques, largement diffusés dans l’après-midi du samedi 31 octobre 2020. Ceux-ci présentant certains indicateurs relatifs au climat électoral dans les différentes zones du pays ont été de nature à semer la confusion dans les esprits. Par ailleurs, des fausses alertes nourries, pour la plupart, de rumeurs tendant à relever certains incidents majeurs survenus dans certaines localités ont circulé dans la plupart des foras de discussion partisans et généralistes. Ce fut le cas notamment du prétendu incendie du palais royal de Sakassou.
- 391 incidents ont été enregistrés et vérifiés le jour du scrutin par Indigo Côte d’Ivoire
Cinq (05) incidents de violence à l’encontre des observateurs d’Indigo CI, ont été enregistrés à Gabéoua, dans le département de Guiberoua, à Jacqueville, à Yamoussoukro, et Divo. Ces personnes ont été prises à partie par des manifestants de leurs communautés respectives et ont subi des violences verbales et physiques, voire leur exclusion, en raison de leur engagement pour l’observation citoyenne des élections. Des incidents d’intimidation et de violence lors du déroulement du vote et du dépouillement ont été observés à Daloa, Grand-Bassam, Lakota, Abobo. Par ailleurs, les observateurs ont identifié des cas de bourrages d’urnes dans certains bureaux de vote dans les localités d’Abobo, Fresco, Bondoukou, Tiébissou, Cocody, Sassandra, Dabou, Zouan-Hounien, Sinfra, Bouaké, Yamoussoukro.
Des incidents de violence en lien avec le boycott actif lancé par l’opposition ont dégénéré en affrontements communautaires avec des pertes en vies humaines et d’importants dégâts matériels, notamment à Sakassou, Oumé, Tiébissou, Gagnoa, Saïoua, Yamoussoukro et Yopougon Kouté. Les observateurs ont aussi indiqué que des personnes n’ayant pas les documents requis et n’étant pas inscrites sur la liste d’émargement des bureaux de vote ont été autorisées à voter à Arrah, Abobo, Adjamé, Cocody, Marcory, Tiassalé, Man, Daloa, Issia, Sinfra et Vavoua. Les observateurs de Indigo ont recensé un nombre nettement inférieur d’incidents dans les districts du Denguele, Woroba, Savanes et Zanzan.
- RECOMMANDATIONS
A l’issue de ce processus électoral émaillé de violences et ne favorisant pas l’expression massive et sereine des populations, le Groupe de plaidoyer voudrait formuler les recommandations ci-après :
- A LA COMMISSION ELECTORALE INDÉPENDANTE
– Favoriser la collaboration en facilitant l’accès et la présence permanente des missions d’observation aux sites de vote et en communiquant le cas échéant les dérogations spéciales aux agents sur site de sorte à écarter tout soupçon d’opacité autour des opérations.
– Travailler à réduire la mobilité du personnel des centres pour une meilleure maîtrise des procédures et modes opératoires en vue d’une standardisation des processus.
- AUX PARTIS POLITIQUES
Privilégier le dialogue et mettre en place urgemment un cadre de dialogue politique inclusif afin de prévenir la survenue d’une autre crise.
– Appeler leurs militants à la retenue, au respect de la vie humaine, des biens publics et privés;
– Inviter leurs militants à renoncer à la provocation et à cultiver la tolérance politique ;
AUX POPULATIONS
– S’abstenir de diffuser des informations appelant à la violence, au discours de haine et aux fausses nouvelles sur les réseaux sociaux et tout autre plateforme d’échange.
– S’abstenir de s’engager dans des actes violents qui mettent en péril la paix et la cohésion sociale.
Fait à Abidjan, le 1er Novembre 2020
LE GROUPE DE PLAIDOYER PTI