‘@Informateur.info- Le 8 avril dernier, le Chef de l’État ivoirien, donnait suite à l’appel des Nations-Unies invitant les pouvoirs publics à libérer certains prisonniers en vue de freiner la propagation du Covid-19 dans les établissements pénitenciers, pour élargir 2004 prisonniers. Pour la présidente de l’Association des Femmes et Familles des Détenus d’Opinion de Côte d’Ivoire (AFFDOCI), Mme Désirée Douati tout en saluant la mesure présidentielle, constate, cependant, que le président Ouattara pouvait faire mieux. » Nous sommes restés, un peu, sur notre faim », estime-t-elle dans cet entretien.
- Le 6 avril dernier, vous aviez appelé, à la suite du message des Nations Unies, à décongestionner les prisons pour faire de l’espace afin d’évider à la propagation du Covid-19. Deux jours plus tard, une grâce présidentielle fait libérer 1000 détenus de droit commun et 1004 autres dont le reliquat de la peine est inférieure ou égale à 2 mois. Quels commentaires faites-vous de ces mesures du Chef de l’Etat ?
Nous avons été honorés que nos propositions aient été prises en compte et validées par le Président de la République. Cependant, nous sommes restés un peu sur notre faim parce que les personnes détenues pour des raisons liées à des dossiers politico-judiciaires demeurent encore en prison. Dans biens de pays tous les prisonniers ont été libérés sans exclusive. Toutefois, nous lui réitérons toute notre gratitude et l’encourageons à élargir sa mesure.
- Vous pensez aux militaires et civils condamnés à l’issue de la crise post-électorale de 2010 ?
Les Ivoiriens ont du mal à comprendre que l’ex-Président Laurent Gbagbo sous les ordres de qui tout ce monde aurait agi, soit acquitté de crime contre l’humanité et l’on maintienne en prison ceux qui sont supposés avoir exécuté ses ordres. Si l’ancien chef de l’Etat, présumé ordonnateur, a été acquitté pour faute de preuves ou insuffisance de preuves, subséquemment les présumés exécutants doivent bénéficier de la même mesure de mise en liberté. C’est une question de bon sens et de justice. Vous savez, nous avons tant à dire concernant ce sujet qui à notre avis, a été géré en Côte d’Ivoire avec beaucoup de passion mais bon, pour la réconciliation nationale, nous demandons aux uns et aux autres de la retenue et de la mesure car certaines vérités ne sont pas éternelles. Très sérieusement nous demandons au Président de la République d’explorer la voie d’une amnistie générale.
- Le mercredi 15 avril, le CICR a entamé une vaste opération de distribution de matériels d’hygiène et sanitaire aux 33 prisons du pays qui totalisent environ 20.000 pensionnaires selon cette institution d’aide humanitaire. Quel est votre avis sur cette opération?
Cette opération de distribution de matériels d’hygiène est salutaire et à encourager. Toutes les initiatives qui visent à apporter de l’aide aux populations, d’où qu’elles viennent sont les bienvenues car imaginez un seul instant l’émergence de ce virus dans nos prisons déjà confrontées à la surpopulation. Ce sera simplement désastreux.
- Dans votre déclaration du 6 avril, vous évoquiez des poursuites contre M. Assoa Adou, Secrétaire général du FPI. Quel est le sens de votre interpellation?
A quelques mois des élections présidentielles, il faut une trêve politico-judiciaire. Il faut que l’état de pression et de répression prenne fin. Dans une démocratie, tous les citoyens ont le droit de s’exprimer sur tous les sujets d’intérêt national sans crainte. Encore que dans le cas de M. Assoa Adou, l’acte d’accusation demeure pour le moment très flou.
Depuis le 11 mars 2020, date de la découverte du premier cas d’infection dans notre pays, la pandémie du Covid-19 progresse inexorablement avec l’accroissement des cas déclarés. Face à ce tableau très sombre de la situation, nous pensons que les priorités de nos gouvernants devraient être le rassemblement de tous les fils du pays autour de la mère-patrie touchée par ce virus qui, reconnaissons-le, n’est ni raciste, ni xénophobe. Disons-le tout net, l’heure n’est pas aux manœuvres politiciennes et ça certains d’entre nous ne semblent pas l’avoir encore compris et c’est bien dommage. M. Assoa Adou est sorti de prison avec de nombreuses séquelles, nous souhaitons qu’on lui permette de retrouver la plénitude de ses moyens. L’interpeller ou même l’arrêter n’apaisera pas le climat politique. Les Ivoiriens sont épuisés des tensions nées des actes de notre justice. Il faut que cela prenne fin. D’ailleurs, je profite de l’occasion que vous me donnez pour interpeller les animateurs de notre appareil judiciaire. Qu’ils évitent de se laisser manipulés par les politiciens en restant collés à leur sacerdoce, analysant minutieusement l’opportunité et les conséquences ou impacts des actes à poser. J’exhorte vivement le gouvernement au respect des libertés individuelles et des dignités humaines. Se servir de l’appareil judiciaire pour humilier un adversaire politique n’est profitable à personne. Encore moins à l’image de notre beau pays. Il faut que les répressions judicaires soient de mauvais souvenirs pour les Ivoiriens.
- Depuis décembre 2019, des proches de Guillaume Soro dont des députés et élus municipaux sont en détention préventive dans différentes prisons du pays. Les aviez-vous rencontrés? Une détention préventive prolongée, sans jugement, ne constitue-t-elle pas une atteinte à la liberté?
Je partage la souffrance de leurs familles. Parmi eux, j’ai un parent, le père de mes cousins mais un cadre de ma région, le Tonkpi, l’Honorable Kando Soumahoro. Je déplore totalement toutes incarcérations abusives et j’apporte mon soutien moral à tous les politiciens en détention qu’ils soient pro Gbagbo ou Pro Soro ou pro autre chose. L’AFFDO-CI se tiendra toujours du côté des Ivoiriens oppressés ! Je suis également en contact avec Mme Lobognon qui en 2017, si mes souvenirs sont bons, avait lancé une collecte de kits scolaires en faveur des familles des personnes détenues pour des dossiers à caractère politique. C’est une dame forte et à travers elle j’ai les nouvelles des différentes épouses. Vous me permettrez de m’adresser personnellement à un des détenus dont l’ONG, « LA VIE » n’a eu de cesse de nous apporter soutien et réconfort. A celui que j’ai toujours appelé mon Grand frère, oui à toi Simon Soro, j’espère que ton quotidien n’est pas trop difficile, je te prie de tenir bon pour les tiens et si tu n’y arrives pas souviens toi de la citation de Nelson Mandela qui dit : « je ne perds jamais, soit je gagne, soit j’apprends ». Il y a atteinte à une liberté dans le cas d’une détention préventive lorsque la détention dépasse 18 mois. Il y’ a des personnes qui sont en prison depuis 2012 sans jugement, là il est question de détention arbitraire et abusive. C’est le cas de M. Ossohou Edy ou M. Irié Bi Boti pour ne citer que ces deux personnes. Il serait profitable pour notre pays que le Président prenne une Amnistie Générale pour tous les détenus dont les dossiers sont liés d’une manière ou une autre à la politique. Pour la Dignité, la réconciliation vraie, il faut un geste d’de humanisme.
Propos recueillis par courriel
par Geneviève MADINA