Exit le général Diendéré et son fantomatique Conseil national pour la démocratie. En l’espace d’une semaine, le gouvernement de la transition de Michel Kafando est passé du pire au meilleur et s’est refait une virginité politique inattendue. A contrario, le coup d’Etat avorté va compliquer la vie et la campagne politique à venir des partis de l’ancienne majorité en particulier du CDP dont on sait que le président Eddie Komboïgo est un proche du général Diendéré.
C’est une fin de carrière peu glorieuse qui s’annonce pour l’ancien bras droit du président Blaise Compaoré. Son mea culpa tardif sur le coup d’Etat ne lui vaudra certainement pas l’armistice proposée par le président Macky Sall et la dissolution annoncée du régiment de sécurité présidentielle (RSP) fait de lui un général sans troupe et au pire en prison. Dommage pour un officier qui était passé maître dans le renseignement anti- terroriste avec une renommée qui avait dépassé les frontières du Burkina !
Le général a suicidé sa carrière de la même manière qu’elle avait été construite, c’est à dire en se mêlant de trop de politique, au service de celui qui le fit général, Blaise Compaoré. Et si les malheurs du général Diendéré pouvaient servir le Burkina, on dira, pourvu que ce coup de force soit le dernier avatar des sinuosités dramatiques de l’histoire politique du Burkina. Mais sait-on jamais ?
En attendant, il est évident que ce coup d’Etat mort-né a rendu un grand service aux autorités de la transition. Il faut le redire, elles se sont refait une virginité politique alors que visiblement leur popularité était mise à mal par des dossiers pas très bien gérés. On citera volontiers les revendications syndicales, le continuum éducatif, la reforme du statut du personnel de l’armée, la mise en œuvre des pôles de croissance, etc. Finies ou plutôt oubliées les critiques sur la fausse austérité budgétaire, les émoluments indus de tout ou partie des députés du CNT, les fraudes aux concours de la fonction publique, l’affaire des fausses cartes d’électeurs… Michel Kafando peut boire son petit lait de président réinvesti qui sans « fausse modestie », proclame, urbi et orbi, que la transition burkinabè est un exemple pour l’Afrique et le monde. Il se voit en archange saint Michel en croisade contre « les forces du mal » et pas un président rassembleur, au dessus de la mêlée.
A la lumière de son dernier discours à la nation, on s’aperçoit qu’il continue de s’affirmer comme le président des « insurgés victorieux », peu soucieux de ce que disait Albert Camus : « la démocratie, ce n’est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité ».
A propos de protection de la minorité, il a tort de ne pas prendre en considération – apparemment – les critiques des analystes comme Laurent Bigaut, Maurice L’onglet qui ont déclaré en substance à la presse que la transition burkinabè s’est mise dans la situation de celui qui trop m’embrasse mal étreint avec des multiples chantiers de reformes – justice, politique, militaire – pas toujours bien conduits et que l’exclusion des partisans de Blaise Compaoré des prochaines consultations électorales, une conséquence du nouveau code électorale, est la cause directe du coup d’Etat finalement avorté.
Au demeurant, la médiation de la CEDEAO, notamment le président Macky Sall a fait remarquer que le déficit de dialogue politique a pu occasionner le coup d’Etat du 16 septembre. Un langage diplomatique qui voudrait sous entendre que le fait que le gouvernement de la transition n’ait pas écouté la revendication d’inclusion de l’ex majorité n’est pas une bonne chose.
A ce propos, certains diplomates comme l’ambassadeur Thibault de la France aurait confié en privé avoir essayé en vain d’attirer l’attention des autorités de la transition sur les risques de l’exclusion politique. On se souvient par ailleurs, que l’ambassadeur MUSINGHI des Etats Unis dès l’adoption du nouveau code électoral en avril, avait émis quelques critiques avant de prendre acte de la décision des autorités burkinabè. Toutes choses qui donnent à penser que si le coup d’Etat du général Diendéré a été unanimement et fermement condamné par la communauté internationale, c’est pour le principe et pour l’exemple – tolérance zéro du putsch militaire – mais la raison de l’exclusion avancée, n’est pas une chimère, elle est bien réelle et passe pour la grosse tâche noire de la transition burkinabè.
En dénonçant cette exclusion qui frappe ces principaux dirigeants, l’ex majorité se faisait passé pour une victime d’une injustice. Les autorités burkinabè en refusant de mettre en œuvre l’arrêt du 13 juillet de la cour de justice de la CEDEAO, n’étaient pas dans le bon rôle. Une jurisprudence peu flatteuse pour la communauté ouest africaine a été ainsi crée et on se demande à l’avenir quelle va être la crédibilité de cette instance juridictionnelle si ses décisions ne sont pas respectées par les Etats membres ? Mais là aussi le putsch avorté du RSP va redonner des couleurs au gouvernement de la transition qui peut désormais reprocher à l’ex majorité de ne pas être toujours guidée par les valeurs républicaines.
De fait, on a entendu Hermann Yaméogo, à la sortie de l’entretien que les partis de l’ex majorité ont eu avec les médiateurs de la CEDEAO, soutenir devant la presse, l’idée d’une nouvelle transition avec les putschistes, pouvant conduire à des élections inclusives dans un an. Le deuxième vice-président du CDP, Léonce Koné, a pour sa part déclaré prendre acte du coup d’Etat. Achille Tapsoba, le porte-parole de l’ex parti majoritaire, a beau dire plus tard que Léonce Koné s’exprimait en son nom personnel et que son parti n’était pas partisan du putsch, le mal est déjà consommé et il ne convainc pas grand monde. La même analyse prévaut pour Djibril Bassolé et son parti qui n’ont pas fermement condamné le putsch. En effet, le dernier ministre des Affaires Etrangères de Blaise Compaoré s’est contenté de se déclarer affligé par la situation en demandant aux auteurs du coup de force, d’expliciter davantage leurs intentions.
C’est dire que du rôle de victimes d’une injuste exclusion, les proches de Blaise Compaoré sont aujourd’hui perçus comme des partisans voir des acteurs du coup de force militaire du 16 septembre. Accusation dont ils auront de la peine à se défendre car à poser la question de savoir à qui aurait profité le crime du putsch, la réponse ne se cherche pas loin. Voilà de la cendre à manger pour l’ex majorité, un handicap lourd à porter durant les campagnes électorales à venir. A l’inverse, un pain béni pour l’ex opposition qui peut surfer sur la vague d’une insurrection populaire revigorée.
Derbié Terence Somé
Pour Lefaso.net