A cinq mois de la présidentielle en Côte d’Ivoire, treize partis politiques et mouvements de l’opposition ont signé une plate-forme, dont l’objectif principal est de battre le Président Alassane Ouattara, candidat à sa propre succession. Voici les forces et faiblesses de la Coalition nationale pour le changement (CNC).
Règle numéro un en politique : ne jamais minimiser des adversaires qui se coalisent. Le mépris donne des ailes ; ici réside la première force de la CNC. Le RHDP qui avait été victime de railleries similaires, à sa constitution, en sait quelque chose.
La deuxième force de la CNC, ce sont ses fondateurs. Tous les candidats déclarés importants contre Ouattara, hormis Pascal Affi N’Guessan, s’y retrouvent. S’ils arrivent à présenter un candidat unique, puis arrivent à contraindre le Président sortant à un second tour, ils auraient une réserve de voix, composée des électeurs d’Affi que je vois mal appeler à voter pour Ouattara.
La Cnc est bienvenue, mais elle est venue tardivement. Elle en a elle-même conscience et va miser sur le gain de temps. Demander la réforme de la Commission électorale indépendante (CEI), alors que le processus électoral est lancé, semble être guidé par le souci d’obtenir le report de l’élection…pour mieux se préparer. D’autant plus que le débat autour d’une CEI qui pourrait user d’un algorithme pour changer des chiffres, relève du fantasme. Il suffit d’avoir des représentants dans tous les bureaux de vote, pour être en possession de tous les procès-verbaux. Cette CEI « validée » par la communauté internationale, est meilleure que celle mise en place par Laurent Gbagbo en 2001, dominée par le Front populaire ivoirien (FPI) et celle issue de Marcoussis, dominée par les rebelles et alliés. La CEI ne fait pas gagner les élections, qu’on se le tienne pour dit. En 2000, le général Guéi qui avait nommé Honoré Guié à la Commission nationale électorale indépendante (Ceni), a perdu face à Gbagbo. En 2001, alors que Gbagbo avait nommé son ami Camille Hoguié à la tête de la CEI, le FPI avait perdu les municipales (remportées par le Rassemblement des républicains (RDR) et en 2002, les départementales remportées par le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). En 2010, l’opposition présidait presque toutes les commissions locales, mais Gbagbo avait gagné dans ses fiefs traditionnels et raflé des villes à Bédié.
Par ailleurs, à bien y voir, la CNC, c’est La majorité présidentielle (LMP, ex-mouvance présidentielle) moins les partisans d’Affi, de Fologo, de Mel, de Lagou…. A Yopougon, on dirait que le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP) qui a déjà mangé la tête de la bête, ne saurait avoir peur de ses yeux.
Poids des « irréductibles »
Prenons Essy Amara. Depuis près de 15 ans, il est absent du terrain politique. Mon petit frère de 28 ans ne le reconnaîtrait pas dans la rue. Et ceux qui sont autour de lui, sont pour la plupart des Gbagboïstes Pdcistes qui détestent déjà Bédié.
Prenons Banny. Il a certes timidement battu campagne pour Bédié en 2010, mais il ne l’a pas fait pour Ouattara et il n’était pas au Golf.
De KKB, l’on retient le sourire gêné, quand Blé Goudé, en direct à la télé, lui a demandé d’arrêter son hypocrisie sur son soutien à Ouattara.
En somme, les « irréductibles » du PDCI sont à quelques exceptions près, ceux qui portaient ou cachaient leurs masques anti-Ouattara. Et toute chose étant égale par ailleurs (ceteris paribus), Ouattara qui n’a pas bénéficié de leurs voix en 2010, ne peut pas craindre de ne pas les avoir en 2015.
Autre faiblesse : la CNC à la différence du RHDP, n’a pas d’appareil politique, à part un FPI divisé et un Lider (Liberté et démocratie pour la République) incapable d’avoir plus de 3% à Koumassi, les hommes qui la composent n’ont ni la carrure de Ouattara et de Bédié, ni l’aura de Gbagbo. Or en Côte d’Ivoire, on vote les hommes, pas les programmes, encore qu’Essy et Banny n’ont pas de programme de gouvernement.
A la CNC, il y a les égos. Essy, 71 ans et Banny, 73 ans, seront forclos en 2020. Aboudrahamane Sangaré est réduit à « suivre » Koulibaly qu’il traitait de « Lucky Luke ». Je ne vois pas comment il pourrait appeler les « Gbagbo ou rien », à voter Banny ou Essy, alors que c’est le fond de sa fronde contre Affi.
En conclusion, je continue de penser qu’ en l’état actuel de la configuration politique, avec un RDR plus uni que jamais, un PDCI débarrassé de ses porteurs de masques, un UDPCI (Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire) qui n’a subi aucune fronde depuis les législatives, un Mouvement des forces d’avenir (MFA) scindé en deux mais compensé par un Parti ivoirien des travailleurs (PIT) lui aussi scindé en deux, ainsi que le soutien probable d’une partie de l’ex-majorité amenée par Laurent Dona Fologo, face à un FPI divisé ; Ouattara passe toujours dès le premier tour. Qui vivra verra !
André Silver Konan
Journaliste-écrivain