Jeudi 12 mai, par une majorité de 55 voix contre 22, les sénateurs brésiliens se sont prononcés pour l’ouverture d’un procès en destitution à l’encontre de la présidente Dilma Rousseff, accusée d’avoir manipulé les comptes publics pour faciliter sa réélection en 2014. En attendant, la chef d’Etat est désormais suspendue de ses fonctions. Son vice-président Michel Temer va la remplacer. Dilma Rousseff a appelé les Brésiliens à «se mobiliser» contre le «coup d’Etat», dont elle se dit victime. Reportage.
Le Sénat fédéral a entériné la décision prise avant lui par le Congrès des députés, d’ouvrir à son encontre un procès en destitution, une première au Brésil depuis 1992. Les sénateurs n’avaient besoin que d’une majorité simple de 41 élus, mais cette décision a été largement approuvée au sein de la chambre haute du Parlement. Le vote a été sans appel, rapporte notre envoyé spécial Achim Lippold, avec 55 sénateurs favorables à la destitution et 22 contre. La séance-marathon – dix-huit heures d’affilée avec seulement deux petites pauses- s’est terminée sur un discours très émouvant de José Eduardo Cardozo, l’avocat général de l’Union et à ce titre le premier défenseur de la présidente Dilma Rousseff, de sa présidente – comme il l’a dit. Il a fait référence aux « injustices dans l’histoire pratiquées avec droit de la défense » pour expliquer son recours à l’expression « coup d’Etat ».
Eduardo Cardozo, avocat général de l’Union : «Vous condamnez une femme honnête et innocente»
« Sacco et Vanzetti ont été punis en ayant eu des droits à la défense et le respect de la procédure américaine du droit, ils ont été accusés injustement, et parce qu’ils étaient idéalistes, ils ont été condamnés », a dit José Eduardo Cardozo en évoquant les deux anarchistes à la culpabilité controversée, condamnés à mort et exécutés aux Etats-Unis, dans les années 1920.
« Les procès de Moscou ont suivi toutes les procédures légales, toutes, et pourtant, ils se sont avérés un vrai crime contre l’humanité », a ajouté l’avocat Eduardo Cardozo, en faisant un parallèle avec des procès en Union soviétique dans les années 1930 qui avaient permis à Staline d’éliminer des rivaux. « Vous condamnez une femme innocente », a-t-il lancé aux sénateurs, dont certains lui ont répondu avec des rires sarcastiques. Le ton général était cependant plus civilisé que lors du vote à l’Assemblée, rapporte notre envoyé spécial.
Dilma Rousseff appelle les Brésiliens à «se mobiliser» contre le «coup d’Etat»
La présidente sera donc écartée du pouvoir pendant au maximum 180 jours. Dans sa dernière prise de parole en tant que présidente en exercice, elle a appelé les Brésiliens à se «mobiliser» contre le «coup d’Etat» dont elle s’estime être victime. Le but évident c’était de m’empêcher de gouverner et de créer une ambiance propice au putsch. Quand une présidente est chassée du pouvoir pour un crime qu’elle n’a pas commis, ça ne s’appelle pas une destitution, ça s’appelle un coup d’Etat. Il s’agit d’un coup d’Etat parce qu’une destitution sans crime de responsabilité est un coup d’Etat. Je n’ai pas de comptes bancaires à l’étranger, jamais je n’ai reçu des pots-de-vin, jamais je n’ai corrompu qui que ce soit. Ce procès est fragile, juridiquement inconsistant, injuste, déclenché contre une personne honnête et innocente.
Dilma Rousseff dénonce un «coup d’Etat», un procès «inconsistant»
« Aux Brésiliens qui s’opposent au coup d’Etat, qu’ils soient de n’importe quel parti, je lance un appel: maintenez-vous mobilisés, unis et dans la paix. La lutte pour la démocratie n’a pas de date finale, c’est une lutte qui exige qu’on s’y consacre en permanence», a déclaré Dilma Rousseff das sa première déclaration après le vote du Sénat en faveur de la procédure de sa destitution. Elle a ajouté n’avoir «jamais imaginé devoir lutter une nouvelle fois contre un coup d’Etat».
RFI.fr