Informateur.info- Dire qu’en Côte d’Ivoire les journaux ne se vendent plus est un truisme, tant l’évidence crève les yeux. Non pas parce qu’ils sont mal animés, (loin de là) mais plutôt parce que des gens ayant décidé de se sucrer sur le dos des journalistes et des entreprises de presse, ont mis sur pieds un sinistre mécanisme qui plombe sérieusement les ventes. Une incursion dans les couloirs de la société leader en matière de distribution de journaux en Côte d’Ivoire , ainsi que dans plusieurs kiosques à journaux a révélé en réseau monté de toutes pièces par des agents chargés du suivi et de la production dans des entreprises de presse de la place et des revendeurs. C’est effarant !
Un mécanisme ingénieux
Selon T. Lassina, revendeur de journaux dans la commune d’Adjamé cela se fait depuis plusieurs mois. « C’est tout simple. Le matin je reçois les différents journaux que j’affiche par la suite. Au cours de la journée je reçois toujours la visite de certaines personnes qui travaillent dans des entreprises de presse. Ils me demandent le point par rapport aux exemplaires de leurs journaux que j’ai écoulés. Ensuite ils me proposent d’échanger ceux que j’ai vendus par d’autres qu’ils ont en leur possession. De sorte à ce que je ne les déclare pas.», explique t-il avant de poursuivre : « Comme je n’ai rien à perdre, j’accepte le deal. Ils remplacent les journaux vendus et on partage l’argent de la vente. Le soir, je rends le nombre exacts de journaux que j’ai reçu le matin.Et c’est classé parmi les invendus.»
Sans commentaire ! T. Lassina visiblement décidé à nous ouvrir les yeux sur cet état de fait, nous conduit chez un autre revendeur installé à la gare routière de ladite commune. Là bas, nous faisons la connaissance de Mamdou. O, qui n’éprouve aucune difficulté à confirmer le témoignage de Lassina. « Donc c’est maintenant que vous êtes au courant ? », s’étonne t-il. Pour lui c’est un secret de polichinelle. «Ce sont vos propres collègues qui nous ont mis dedans. Moi lorsque je fais le point des ventes à l’agent chargé du suivi, il me retourne le nombre exact d’exemplaires que j’ai vendus. Si c’est 10 numéros par exemple, il les remplace automatiquement grâce à une dotation qu’il a sur lui. Et on se partage l’argent de la vente de cette journée en attendant le lendemain pour reprendre le même scénario.», dévoilé t-il. A la lumière de ces témoignages, on ne peut pas totalement imputer la mévente de certains journaux à un manque d’intérêt du contenu. Cette pratique, à l’évidence, tue les entreprises de presse.
Des agents justifient leurs actes
En dépit de ce qui leur est reproché, certains agents incriminés justifient leurs actes par le fait qu’ils soient mal traités au plan salarial. « Toi même tu sais que nous sommes mal rémunérés dans les entreprises de presse. Pourtant vous n’imaginez pas un seul instant la souffrance qui est la nôtre. Et tant que ça sera ainsi, nous serons obligés de faire cela. Les temps sont durs et nous n’avons pas le choix.», se justifie C.O, agent commercial chargé de la production et du suivi dans un grand quotidien de la place.
C’est d’ailleurs le seul qui a voulu s’ouvrir à nous. Les autres ayant trop peur d’être démasqués et par ricochet de perdre leur emploi. Une chose est cependant indéniable, cette pratique doit prendre fin au risque de contribuer à une mort lente mais sûre des journaux en Côte d’Ivoire.
Patrick-Servant, Informateur.info