@informateur- Après le plébiscite de Vladimir Poutine à l’élection présidentielle, le philosophe et critique politique, Alexis Dieth, fait une ‘’radioscopie’’ des pratiques du satrape russe et établit un parallèle saisissant avec le défunt régime de la Refondation de Laurent Gbagbo. Ci-dessous l’intégralité du ‘’réquisitoire’’ de ce kantien convaincu et convaincant.
Après la mascarade électorale, le dictateur russe et ses intellectuels organiques tombent les masques et se lâchent : l’aveu de taille d’Aleksandr Sytin. Restaurer l’empire russe et le monde bipolaire de la guerre froide au profit de l’oligarchie poutinienne et non pas construire un monde multipolaire au profit des opprimés et des ex-colonisés; diviser intérieurement l’Europe occidentale, conforter la sanglante dictature prédatrice au pouvoir à Moscou en l’étayant par des zones d’influences et des dictatures serviles-relais en Afrique: c’est le credo du sanglant aventurisme guerrier poutinien dans le monde. N’en déplaise donc aux néo-dictateurs pro-russes africains et à leurs intellectuels organiques, la présence de la Russie poutinienne en Afrique est bel et bien motivée par une logique expansionniste et impérialiste de prédation économique des ressources minéralogiques et financières du continent, de soumission politique et culturelle des peuples et des États africains.
Vladimir Poutine et son ‘’Africa-corps’’ le nouveau bras armé qui remplace Wagner, sont venus en Afrique pour s’y tailler des zones d’influence coloniale, pour y installer des dictatures serviles locales afin de s’en servir comme relais. Ils sont, comme en attestent concrètement les faits, venus en Afrique pour piller et asservir et non pas pour libérer et émanciper les peuples et les États africains de l’ancienne tutelle coloniale occidentale. Cette évidence de sens commun crevait les yeux dès les débuts de la guerre d’agression perpétrée contre l’Ukraine et contre le droit international en février 2022.
- L’un des intellectuels organiques du régime russe
L’aveu de taille d’Aleksandr Sytin, l’un des intellectuels organiques du régime de Vladimir Poutine, après ce simulacre électoral qui conforte l’arbitraire sanglant et guerrier du régime, ébranle le prétendu anti-colonialisme de Vladimir Poutine et de son « africanophilie » de pacotille. Cet aveu fait saillir la « naïveté » et la « cécité » intéressée des stipendiés locaux du régime du Kremlin qui relayèrent sa propagande mortifère aux quatre points cardinaux du continent africain. La politique étrangère globale de Vladimir Poutine et de son clan ne fut motivée que par la logique expansionniste d’une dictature soucieuse, tout à la fois, de restaurer l’empire ethnique Russe du moyen âge, de rétablir l’anti-modèle stalinien, d’assurer l’expansion mondiale d’une dictature mafieuse et criminelle qui fait peu cas de la liberté et du bien-être de son propre peuple, a fortiori de ceux des peuples du tiers-monde.
L’intérêt des peuples et des Etats africains modernes est de rejeter cet anti-modèle absolu qui n’a rien à voir, ni avec la démocratie directe des peuples, ni avec le projet marxiste et léniniste de dictature du prolétariat.
La propagande de la dictature russe ne passera pas en Côte d’Ivoire. Depuis avril 2011, la Côte d’Ivoire est une démocratie pluraliste réelle en laquelle prévalent la liberté de conscience et du choix politique, la liberté d’expression et d’opinion. Ce n’est plus une dictature ethno-nationaliste soi-disant ‘’anticolonialiste’’ qui réécrit l’histoire pour ségréger la société et faire la guerre. Les opposants politiques n’y sont plus réprimés, pourchassés à l’intérieur du pays et à l’étranger et assassinés. La société n’est plus contrôlée, fichée, infiltrée par les services de sécurité du régime, par sa police politique, réprimée par ses tribunaux politiques, soumise à un conditionnement psychologique et à un matraquage propagandiste lobotomisant. La jeunesse du pays n’est plus militarisée, écervelée et milicisée. L’anti-modèle russe est un repoussoir pour les Ivoiriens qui en connurent un analogue tropical entre 2000 et mars 2011.
- Le chef du PPA-CI semble avoir gouverné selon la méthode Poutine
Toute proportion gardée, il n’est pas irrationnel de penser que le chef du PPA-CI semble avoir gouverné la Côte d’Ivoire selon ‘’la méthode Poutine’’ entre 2000 et mars 2011: terrorisme d’État, corruption mafieuse de l’État, répression et assassinats des opposants, ethno-nationalisme forcené et meurtrier, désinformation et conditionnement psychologique des masses, réécriture de l’histoire, instrumentalisation politique de la religion et messianisme sectaire, militarisation et milicisation de la jeunesse, tentative de contrôle total de la société par la terreur d’État, anti-occidentalisme forcené, anti-colonialisme et tiers-mondisme d’opérette.
Le dictateur et l’autocrate conspuent la démocratie parce qu’au lieu d’être au service de leur arbitraire et de leurs lubies personnelles, l’Etat sert les intérêts de la société civile, des acteurs économiques, sociaux et culturels. Ils s’en offusquent et entendent mettre l’État au service de leur arbitraire et de leurs lubies personnelles. Tel est le motif profond de leur appel à renverser la démocratie libérale. Car l’unité de mesure de la légitimité morale et politique en démocratie consiste en la capacité de l’État et de la société politique à servir légalement les intérêts des acteurs de la société civile, à réaliser les compromis et à confectionner les lois qui rendent possible ce service politique.
Entre ‘’continuité électorale démocratique du pouvoir’’ et ‘’alternance formelle et vide du pouvoir’’ que choisir dans les jeunes démocraties pluralistes africaines dans le contexte géopolitique mondial actuel ?
Comme en atteste éloquemment, l’alternance du pouvoir dans les vieilles démocraties pluralistes, l’alternance démocratique du pouvoir est une alternance de programmes économiques et de projets sociétaux partisans divergents et concurrentiels d’intégration nationale. L’alternance démocratique du pouvoir ne consiste guère en une alternance formelle et vide d’oligarchies partisanes qui se partagent alternativement le pouvoir d’État en se succédant au gouvernement et dans l’opposition.
- Des programmes économiques divergents
L’élection démocratique du pouvoir consiste en ce que le peuple choisisse électoralement, en connaissance de cause et dans la conscience des responsabilités impliquées par ses choix, des programmes économiques et des projets sociétaux divergents incarnés par des partis et des personnes. L’alternance démocratique du pouvoir, l’alternance véritable, consiste en ce que des partis porteurs de programmes et de projets sociétaux divergents se succèdent à la direction de l’Etat, rendent périodiquement électoralement compte au peuple pour se voir reconduire à la direction de l’Etat ou pour en être récusées. Dans les jeunes démocraties pluralistes africaines, le bon sens démocratique recommanderait donc en des cas particuliers, lorsque le gouvernement a fait ses preuves en matière de respect de la déontologie démocratique et lorsqu’une opposition marquée par un lourd et sanglant passé autocratique non amendé a failli sur ce registre, une continuité démocratique du pouvoir consacrée par l’élection au lieu d’une dangereuse ‘’alternance formelle et vide du pouvoir’’.
En ce cas particulier, cette alternance formelle récompenserait une opposition autocratique paresseuse prompt à s’accaparer l’Etat et à remplacer la démocratie par la dictature sous les auspices d’une tutelle à un Etat étranger en quête d’expansion impérialiste néo-coloniale en Afrique. Cette ‘’alternance formelle et vide’’ favoriserait le retour au pouvoir de partis autocratiques ayant fait historiquement leur preuve en matière de criminalité politique et de désintégration nationale. Il est à noter que ‘’l’alternance formelle et vide du pouvoir’’, un ersatz mortifère dévoyé de l’alternance démocratique du pouvoir, enferme irrémédiablement les peuples dans le cercle infernal de la succession oligarchique qui abrite les politiques de prédation sous le manteau de la légalité.
Alexis Dieth
Professeur de philosophie