Présidentielle 2025: «Gbagbo, Soro et Blé ne sont pas exclus, ils sont momentanément…» (Landry Kuyo)

Landry Kuyo

@informateur- Juriste de formation, Landry Kuyo, qui est aussi un consultant télé et un analyste politique, se prononce sur l’actualité politique et parle du développement de la Côte d’Ivoire sous le président Alassane Ouattara. Entretien.

Un État, c’est la rencontre de trois éléments que sont le territoire, la population et le pouvoir politique incarné par le gouvernement. C’est l’alliage de trois matières aussi puissantes que précieuses, à savoir, la terre, la personne humaine et le pouvoir. En vue d’assurer à cette société politique son existence, sa respectabilité, sa continuité, sa stabilité et sa prospérité, toute conduite sérieuse des affaires publiques s’orchestre autour du triptyque que je nomme ordre-prospérité-solidarité.  L’ordre ressort de l’expression affirmée et incontestée de l’autorité de l’État et de ceux qui en sont les dépositaires. Il s’apprécie dans la capacité des pouvoirs publics à établir et à animer un cadre juridique et institutionnel assurant la mise en conformité des agissements des acteurs sociaux, économiques et politiques avec les lois et règlements de la République. L’ordre garantit à l’Etat d’abriter des personnes différentes et divergentes entretenant des relations suffisamment civilisées, le rendant politiquement fréquentable, socialement habitable et économiquement investissable. La prospérité est la situation des populations de laquelle il ressort une amélioration constante des conditions de vie et de travail. Elle procède d’un cadre social évolué, structuré, sécurisé et apaisé, favorisant des opportunités de réussite mises à la portée de tous, notamment des nationaux. Quant à la solidarité, elle est l’ensemble des politiques et stratégies sollicitant le concours de toutes les catégories sociales en vue de la production et de la répartition de la richesse nationale.  La Côte d’Ivoire sous Alassane Ouattara est un pays où la solidité de l’autorité de l’État a catalysé la restauration de l’ordre public. En outre, la présence forte d’un chef à la tête de l’État a convaincu les Ivoiriens à consentir successivement à la trêve sociale, à la construction d’une paix civile durable et à l’entretien de la cohésion nationale.

La Côte d’Ivoire avec Alassane Ouattara est une terre d’opportunités ou personne n’attend de personne qu’on lui serve la soupe populaire. Les Ivoiriens apprécient avec beaucoup de clairvoyance ce qu’ils ont, ce dont ils disposent et ce qu’ils sont capables d’accomplir par eux-mêmes et pour eux-mêmes. À cet égard, les Ivoiriens se sont remis au travail pour gagner dignement de l’argent qu’ils apprennent, de mieux en mieux, à faire travailler.

Qui me connait véritablement sait que je suis proche de tout ce qui participe du rayonnement intérieur et extérieur de la Côte d’Ivoire. Aussi, il est mon devoir, en ma qualité de citoyen, de promouvoir ce qui se fait de bien et formuler, le cas échéant, les observations appropriées portant sur les situations nécessitant d’être améliorées. Beaucoup de bonnes choses ont été faites. Les Ivoiriens en sont fiers. Toutefois, elles comportent  des points d’amélioration. Les Ivoiriens invitent les gouvernants à une prise en compte diligente de leurs griefs au-delà des arguments valant contredits. C’est légitime. Je fais observer qu’en 64 ans d’existence en tant qu’État souverain, la Côte d’Ivoire a été gouvernée par les houphouëtistes sur 53 années. Cette période est caractérisée par la construction et la reconstruction de la Côte d’Ivoire en vue d’en faire un pays leader qui ne cesse d’étonner et d’émerveiller le monde. Et si notre pays reçoit de nombreuses pierres de l’intérieur comme de l’extérieur, c’est parce qu’il croît tel un arbre grand et majestueux porteur de nombreux fruits dont plusieurs souffrent de ne pas en disposer. Avec ces pierres, nous bâtissons des piliers idéologiques consistants, consolidant les ressorts moraux et les ressources intellectuelles des Ivoiriens, qui sont désormais apprêtés à faire face à toutes les menaces visant à les priver de leur quiétude, à les déposséder des richesses de leur pays.

La modernisation de notre société et la structuration de notre économie visent à disposer d’éléments d’appréciation fiables en vue d’évaluer de façon objective le niveau de participation des Ivoiriens au développement de leur pays. Mais en tout état de cause, la construction du pays n’est pas que d’ordre économique et financier. Elle procède avant tout de la disposition d’esprit des nationaux à consentir au projet de société duquel résultent les programmes de gouvernement. Si la Côte d’Ivoire est ce qu’elle est, elle le doit aux Ivoiriens qui adhèrent à faire de notre pays une terre d’hospitalité et de fraternité. Cet apport est inestimable et compte pour beaucoup dans les choix et stratégies d’investissement.

Toutefois, les Ivoiriens désormais sensibilisés à ce que vaut leur pays et mobilisés à occuper la place qui est la leur, manifestent la volonté d’incarner un leadership dans tous les secteurs d’activités. Déjà, ils sortent de la léthargie  pour investir des pans entiers de l’économie où l’on désespérait de les voir s’établir. Sans complexe, ils y sont pour y demeurer avec pour antienne de conquérir la Côte d’Ivoire, l’Afrique et le monde. Aussi, cette volonté de puissance devra permettre d’emporter l’engagement de nos gouvernants présents et à venir en vue de favoriser la prééminence des Ivoiriens dans la production de la richesse nationale. Il est évident qu’une telle réaction puisse susciter des inquiétudes. Toutefois, il n’est pas question de déshabiller Pierre afin d’habiller Paul. L’idée est de mettre à la disposition de Paul le savoir, le savoir-faire et le savoir-être ainsi que les mécanismes financiers appropriés devant lui permettre de mieux se vêtir que Pierre. Cette approche assumée et nommée ‘‘préférence nationale’’ sera un sujet majeur qui entretiendra le débat public lors de la campagne présidentielle et bien au-delà. Une réponse éclairée et adéquate de l’État devra être soumise à l’appréciation des Ivoiriens, tout en prenant le soin de traiter les risques de dérive nationaliste, voire xénophobe. J’ai l’intime conviction que le choix de l’immobilisme visant à différer cette problématique, favorisera plutôt l’appropriation du sujet par des extrémistes opportunistes et décomplexés, dont il va falloir s’accommoder dans un avenir prochain.

À leur échelle, nos mères commerçant en bordure des routes ou dans les marchés, nos petits entrepreneurs agricoles produisant 75% des denrées alimentaires vendus sur nos marchés, nos tenanciers de petits commerces, nos artisans concepteurs et réparateurs, nos acteurs du monde des arts et spectacles … sont respectivement les champions de leurs familles, de leurs quartiers, de leurs communes, de leurs régions. Ils évoluent pour la plupart dans le secteur informel. Toutefois, ils constituent une flamme d’espoir pour les leurs et notre pays. Ils ont pour eux le mérite d’avoir entamé et continué là où personne ne croyaient en eux. Ils ont l’audacieuse posture d’être là où personne n’envisageait leur présence. De plus, ils ont l’ambition irrésistible de ne jamais abandonné et de faire davantage et mieux. Ce sont des challengers animés d’un mental de champion. Il faut désormais leur faire savoir que le pays les voit, croit et investira en eux en les dotant de la stratégie et de la technique pour faire de leurs activités des piliers de notre économie.

Landry Kuyo

La création de la richesse à titre principal ou secondaire ne doit jamais être appréciée comme résiduelle et réservée à certains. L’affaire concerne aussi bien les jeunes que toutes les classes d’âge. La Côte d’Ivoire doit avoir la particularité de voir les élèves et étudiants s’initier aux petits commerces, les travailleurs se rendre dans leurs exploitations agricoles ou fermes halieutiques en fin de semaine, les retraités demeurés économiquement actifs et productifs. Pour ce faire, il faut, entre autres, disposer d’un secteur financier solide et dynamique offrant les services financiers et l’encadrement stratégique répondant aux besoins des petites initiatives entrepreneuriales à fort potentiel économique. Le secteur de la microfinance pourrait constituer le meilleur allié pour nos prochains champions nationaux. Son architecture institutionnelle devra se mettre à la hauteur des enjeux. Aussi, un secrétariat d’Etat auprès du Premier ministre chargé de l’inclusion financière pourrait renforcer l’offre politique du gouvernement et faciliter la mise en œuvre de la volonté de la Côte d’Ivoire de disposer de champions locaux, leaders de l’économie nationale. Ce secrétariat d’État devrait être appuyé dans ses missions par une Direction générale de la Microfinance dont les représentations pourraient s’établir au sein des chefs-lieux des circonscriptions financières de Côte d’Ivoire.

Il est de la responsabilité du chef de l’État de garantir aux siens l’ordre et la paix sociale. La tenue d’élections, notamment celle du président de la République, ne déroge pas à cet engagement. Pour ce faire, Alassane Ouattara assure que cette dernière sera démocratique, transparente et apaisée. Ce qui semble fâcher plusieurs, c’est de ne pas avoir entendu le président citer le vocable ‘‘inclusif ’’.  Qu’est-ce que la démocratie? C’est une forme de gouvernement, admettant que la gestion du pouvoir politique ainsi que les règles organisant l’accession au pouvoir d’Etat soient les plus ouvertes possibles. Aussi, la démocratie est essentiellement inclusive, permettant à n’importe lequel d’entre nous de présider à la destinée du pays pour peu qu’il remplisse les conditions d’éligibilité. Là où l’inclusivité pourrait connaitre des insuffisances, c’est au niveau des conditions d’éligibilité et non relativement à la situation particulière d’une personne. En effet, il serait difficile de faire admettre que le montant de la caution fixé à 50 millions de FCFA n’écorne le caractère inclusif et donc démocratique de l’élection. De même, la mise en œuvre, même intelligente, de l’article 6 du Code électorale est en elle-même source d’exclusion pour de très nombreux Ivoiriens en âge de voter et donc de se porter candidat. Toutefois, ces éléments semble ne pas constituer «des sources de grabuges» parce qu’ils affectent essentiellement de petites gens.

Les présidents Gbagbo, Blé et Soro condamnés pour des infractions de droit commun, ne sont pas exclus. Ils sont momentanément disqualifiés. C’est différent. Ils pourraient toutefois bénéficier d’une loi d’amnistie en vue d’être qualifiés à nouveau à se présenter à l’élection du président de la République. D’ailleurs, Charles Blé Goudé, président du Cojep, a appelé l’attention du président de la République à cet égard. Le cas de Mme Ehivet Simone, présidente du MGC, constitue un précédent favorable à la défense de leur cause commune.  Je les encourage à engager leurs militants et sympathisants à faire le choix des moyens républicains et démocratiques. Je les invite, notamment le président Gbagbo, à se rapprocher de son ainé le président Alassane Ouattra en vue d’un dialogue direct. Je suis convaincu que l’absence du président Henri Konan Bédié ne constituera pas une insuffisance quant à la capacité pour ces deux leaders politiques de se parler en tant qu’adversaires politiques respectueux de l’un et de l’autre. Quant à la personnalité que le RHDP désignera comme candidat, il est désormais clair qu’outre la personne du Dr. Alassane Ouattara, d’autres cadres de ce parti pourraient valablement défendre le bilan de 14 années de gouvernance. Cette approche diffère de celle du PPA-CI où il n’est pas envisagé un autre candidat que le président Laurent Gbagbo. Quant au PDCI, il apparaît que l’affaire est déjà traitée depuis le 22 décembre 2023, nonobstant la tenue prochaine de la convention d’investiture.

Le président Affi N’guessan a une démarche politique claire-obscure : être un adversaire virulent lorsqu’il y a l’élection du président de la République et s’assurer d’être un partenaire docile en dehors. Quant à Dr Boga Sacko, il a les dispositions d’un homme politique dont les traits ressortent de plus en plus. Je pense qu’il pourrait avoir une belle carrière en tant que leader politique. Mais en tout état de cause, j’espère qu’ils ne comptent pas que sur les enfants des autres pour que le grabuge se fasse.

Réalisé par OM/Informateur.ci

 

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