@informateur- À l’occasion d’une conférence internationale de soutien à l’Ukraine qui se tenait lundi à Paris et qui réunissait, entre autres, plusieurs chefs d’État européens, le président français a annoncé ne pas exclure l’envoi de troupes au sol dans le pays pour empêcher la Russie de gagner la guerre, tout en ajoutant qu’il n’y avait pas pour l’heure de consensus sur le sujet. Emmanuel Macron a également annoncé que l’Europe allait se fournir en obus auprès d’autres pays pour venir en aide à l’Ukraine, tout en insistant sur le fait qu’aujourd’hui l’Europe doit envisager de se passer de l’aide américaine. Pour Ulrich Bounat, géopolitologue, chercheur associé à l’Institut Open Diplomacy, les propos du président français sont plutôt de l’ordre du déclaratoire.
- Le président français a annoncé ce lundi qu’il n’écartait pas l’idée d’envoyer des troupes au sol en Ukraine. Selon vous, s’agissait-il de déclarations purement martiales ou bien Emmanuel Macron envisage-t-il vraiment de déployer des troupes ?
Je pense que ces déclarations ne doivent pas être prises au pied de la lettre à court terme. Il est irréaliste à mon sens, politiquement et militairement, de prévoir un déploiement de troupes en Ukraine quel qu’il soit – que ce soit pour de la maintenance ou même faire de la formation sur le sol ukrainien. Ça me semble un petit peu irréaliste très honnêtement, à court ou moyen terme. Je pense que le message du président de la République a trois objectifs. Le premier, c’est un message d’extrême fermeté envers Vladimir Poutine. On l’a vu ces dernières semaines, le discours du président français s’est vraiment renforcé à l’égard de la Russie. Il est très clair, et je pense que c’est un secret de polichinelle, que Vladimir Poutine et le Kremlin espèrent et comptent énormément sur une usure, une fatigue des Occidentaux pour vaincre en Ukraine. Ce message est directement adressé au Kremlin. C’est un message de fermeté pour lui dire que non, justement, les Occidentaux ne sont pas en train de se dégonfler, et au contraire, sont prêts à envisager même les extrémités, c’est-à-dire l’envoi de troupes au sol pour éviter une victoire de la Russie.
Le deuxième point est probablement adressé à l’Ukraine au moment où, notamment côté américain, on voit bien que l’aide est prise en otage en quelque sorte par les querelles politiciennes qui n’ont pas grand-chose à voir avec l’Ukraine. C’est aussi une façon de positionner les Européens et de réaffirmer le soutien des Européens, quoiqu’il en coûte à l’Ukraine en quelque sorte.
Et le troisième point, c’est aussi de positionner la France. Ce n’est pas anodin si cette déclaration arrive lors d’un forum qui se tient à Paris. C’est une façon pour le chef de l’État de positionner la France finalement en premier partenaire d’aide à l’Ukraine. C’est aussi dans ce sens-là que le partenariat de sécurité avec l’Ukraine a été signé. Et c’est aussi une façon de «répondre à des critiques» qu’il y a pu y avoir depuis le 24 février 2022 sur le fait que la France ne serait peut-être pas autant aux avant-postes de l’aide à l’Ukraine qu’elle le souhaite. C’est un message qui d’ailleurs a été parfaitement compris et reçu comme tel par les pays d’Europe centrale qui, justement, ont salué cette fermeté française.
- L’Allemagne et la Pologne ont déjà annoncé qu’il n’était aucunement question de déployer des troupes en Ukraine. N’est-il pas dangereux de tenir un tel discours au moment où l’unité européenne, l’unité occidentale est remise en question?
C’est toujours un peu le problème avec ce genre de déclaration tonitruante! Effectivement, du côté des différents pays de l’Otan, au premier rang desquels l’Allemagne, mais aussi l’Italie ou encore l’Espagne, on n’envisage absolument pas le déploiement de troupes sur place. Parce qu’ils considèrent ce pas comme une escalade vis-à-vis de la Russie. Donc, effectivement, il y a un risque que ce genre de déclaration « un peu martiale» froisse certaines capitales. Mais je pense qu’il va probablement y avoir des éclaircissements. Lire la suite sur rfi.fr