Côte d’Ivoire : Ces défis qui attendent le nouveau Premier ministreÂ

‘@informateur- Après l’éviction de l’ex-Chef du Gouvernement, Patrick Achi quelques jours avant, toute la Côte d’Ivoire était suspendue aux lèvres du Président de la République, Alassane Ouattara quant à la désignation d’un nouveau Premier ministre. Le temps d’une petite attente, la fumée blanche est sortie le lundi 16 octobre 2023, en fin de matinée, faisant connaître le nouveau « Pape » du Gouvernement ivoirien.

Et, pour emprunter le jargon bien connu du Pari mutuel urbain ( Pmu), c’est un tocard qui est arrivé en tête, distançant tous les favoris qui avaient été évoqués dans la spéculation sur les réseaux sociaux. Qui l’eût cru : c’est l’ex-ministre Gouverneur du District d’Abidjan, Robert Mambé Beugré qui a été nommé Premier ministre là où bien d’autres étaient pressentis par les observateurs non moins avertis.

La nouvelle de la désignation de Mambé Beugré, transfuge du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci-Rda) aujourd’hui au Rhdp parti unifié, a été d’autant plus surprenante que l’homme, plus qu’un tocard, n’était même pas sur la ligne de départ. Il ne figurait pas au nombre de ceux qui étaient dans le starting-blocks. Mais le destin a fait son œuvre. Et cela est pour la petite histoire anecdotique de son arrivée à la Primature. Le vrai débat sur la délicate mission qui vient de lui être confiée, ce sont les défis en réalité colossaux qui attendent le nouveau locataire de la Primature.

Le premier dossier sur la table est celui de la cherté de la vie qui continue chaque jour son ascension sur les marchés et grandes surfaces du pays. Les prix des denrées et bien et services grimpent au quotidien sans que le Gouvernement ne se montre capable de freiner la flambée. La spéculation sur les produits de grande consommation, les pénuries organisées à des fins d’augmentation des prix, les pratiques commerciales irrégulières et déloyales dans un pays miné par la corruption et l’affairisme au sommet de l’Etat face auxquelles le régime reste sans réponses ne font qu’en rajouter aux difficultés sociales et économiques qui asphyxient les populations démunies.

Hélas, les mesures et décisions prises au milieu d’un battage médiatique pour annoncer les plafonnement temporaires de prix n’ont pas résolu la question de la cherté de la vie en Côte d’Ivoire. En témoigne le prix du poisson faux thon dit poisson « garba » qui, plafonné il y a quelque temps à 850 F/ kg à Abidjan et 900 F/ kg à l’intérieur du pays, a échappé au contrôle des autorités compétentes, grimpant par moment jusqu’à 1300 / kg.

Une spéculation contre laquelle le gouvernement reste à ce jour impuissant. Quant au contrôle des prix sur les marchés et dans les grandes surfaces, autant ne plus en parler. Le Gouvernement a beau faire de la com en organisant des visites ministérielles surprises sur les marchés et dans les grandes surfaces, il n’y a en réalité pas grand monde sur le terrain pour contrôler les prix. Interpellés, les contrôleurs de prix du ministère du Commerce répondent qu’ils sont obligés de rester assis dans les bureaux à se tourner les pouces, faute de moyens logistiques pour se déplacer sur le terrain…

Que dire de la hausse constante du prix du carburant qui entraîne une surenchère sans nom sur le coût du transport avec les effets induits sur les prix des denrées et bien et services, du coût exhorbitant du loyer dans le pays, du coût des soins de santé et des frais de scolarité qui, entre autres, sont hors de portée pour les populations frappées par le chômage et la pauvreté ? Mambé Beugré trouvera -t- il les recettes adéquates pour faire baisser le coût de la vie en Côte d’Ivoire ? La question est pertinente…

Au plan économique, il y a dans l’urgence le défi des nombreux chantiers de construction d’infrastructures routières dont les délais de livraison tardent. Alors que ces infrastructures dont les chantiers ont été lancés tous azimuts dans la ferveur doivent absolument être achevées à temps pour la réussite de l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations ( Can) 2023 qui a été reportée à janvier- février 2024 parceque justement la Côte d’Ivoire n’a pas été prête en 2023.

Ironie du sort, l’histoire, à en croire de nombreux observateurs, veut que l’ancien Premier ministre Patrick Achi ait été emporté par le scandale de la pelouse défectueuse du Stade Alassane Ouattara d’Ebimpé qui a montré des failles au cours d’une intempérie, malgré les milliards dépensés pour l’acquisition de la pelouse en question. Robert Mambé Beugré doit donc agir au plus vite et bien, pour achever les infrastructures en chantier en veillant à leur qualité. Pour que le Chef de l’Etat, ait la Can dont il rêve depuis si longtemps. Alassane Ouattara, dit-on, le lui pardonnera pas un échec à ce niveau. D’autant plus qu’outre ce enjeu sportif et l’image de la Côte d’Ivoire, l’achèvement de ces routes, ponts et autres ouvrages permettra de booster l’économie du pays.

Arrive ensuite, au plan politique, la délicate et sensible question du dialogue politique, non encore véritablement résolue. L’on s’en souvient, après les phases du dialogue politique initiées par les défunts Premiers ministres Amadou Gon Coulibaly puis Hamed Bakayoko, le prédécesseur de Robert Mambé Beugré, Patrick a initié, du 16 décembre 2021 au 4 mars 2022, la 5 ème phase du dit dialogue. Le rapport final de ces assises a formulé des recommandations au titre des mesures à prendre pour l’apaisement du climat politique, du cadre juridique et institutionnel des élections en Côte d’Ivoire et de la réconciliation nationale de façon plus générale.

Mais on sait que les points les points essentiels soumis à débat restent en suspens : la question de la réforme en profondeur de la Commission électorale indépendante (Cei), le découpage électoral jugé défavorable à l’opposition, l’assainissement de la liste électorale réclamé par l’opposition, l’audit de la liste électorale soupçonnée d’être truffée d’inscription frauduleuses au profit du régime, les soupçons de fraude dans la délivrance de la Carte nationale d’identité (Cni) et dans l’établissement des documents administratifs afférents au vote sont entre autres, des questions qui fâchent toujours, sans oublier celles du respect des libertés et des droits de l’Homme évoquées par l’opposition. Certes les élections municipales, régionales (et sénatoriales) ont eu lieu du 2 au 16 septembre 2023, de façon apaisée et les partis politiques de l’opposition ont, pour la première fois après la crise postélectorale de 2010-2011, pris part à ces scrutins. Y compris le nouveau parti politique du Président Laurent Gbagbo qui, revenu de la Cour pénale internationale (Cpi) qui l’a acquitté de toutes les charges retenues contre lui, a porté sur les fronts baptismaux le Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire ( Ppaci), abandonnant son ancien outil de combat, le Front populaire ivoirien (Fpi), aux mains d’Affi Nguessan à la suite de la crise qui les a opposé.

Certes le Pdci-Rda et la Côte d’Ivoire toute entière sont en deuil après le décès du second Président de la République de Côte d’Ivoire, Henri Konan Bédié, le dauphin constitutionnel qui a succédé au Père de la Nation Félix Houphouët-Boigny, avant d’être renversé par le coup d’Etat du 24 décembre 1999. Certes un des trois Grands leaders politiques de Côte d’Ivoire a quitté la scène. Laissant Ouattara et Gbagbo face à face sur le ring politique. Mais les questions du fond évoquées plus haut demeurent. Alors que l’élection présidentielle de 2025 que les Ivoiriens appréhendent comme une échéance à risques se rapproche chaque jour qui passent…

Bienvenue donc à Robert Mambé Beugré qui, on le voit, ne va pas chômer. Oh non! Après le délai de grâce qui lui est accorder pour s’installer avec son équipe, il devra se mettre à la tâche.

Charlène ADJOVIÂ

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